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ainsi qu’en dehors du Canada, des collaborations précieuses et multiples : leur préface adresse des remerciemens à des ministres et hauts fonctionnaires, tels que MM. Louis Jette, Marchand, Parent, Charles Fitzpatrick, à l’un des doyens de l’Université Laval, Mgr Laflamme, aux bibliothécaires de Paris, de Londres, de Boston, de Washington ; des pièces ont été recueillies et copiées dans des collections publiques ou particulières, en Amérique, dans le Royaume-Uni, en France et jusqu’en Russie ! Mais l’indication la plus curieuse est la dédicace de ces six volumes à… lord Roberts, dont le portrait, placé en tête du tome premier, fait face à une inscription que nous traduisons littéralement : « Au field-maréchal le très honorable comte Roberts, etc.. Cet ouvrage, qui expose les hauts faits d’un général anglais jadis victorieux est dédié respectueusement, avec permission. » Si les auteurs ont voulu par là prédire aux Boers de l’Afrique australe la fortune qui est aujourd’hui, sous le drapeau britannique, celle des Canadiens français, l’allusion serait piquante ; nous ne sommes pas très sûr que telle ait été leur pensée, et nous nous permettrons de contester discrètement le goût de ce frontispice.

Mais il est inutile d’insister sur ces menues chicanes, laissons-nous aller sans résistance au plaisir de lire ces pages où le document, à peine interprété dans le récit, s’impose par son impersonnalité même ; n’en veuillons pas aux auteurs si, tel l’antique Hérodote, ils nous promènent d’une marche un peu vagabonde à travers leur sujet, s’ils interrompent la narration des faits militaires pour nous fournir des renseignemens, d’ailleurs utiles, sur la marine anglaise au XVIIIe siècle, et les origines des régimens engagés au Canada. Attachons-nous plutôt au sentiment général qui les inspire ; une très délicate anecdote, racontée en manière de conclusion du chapitre intitulé « Le choc des armes[1], » nous donne la mesure de leur patriotisme canadien, qui ne sépare pas le passé à jamais clos d’un présent unanimement accepté : en 1717, une jeune Canadienne d’une grande beauté, Mlle de Repentigny, ayant vu mourir son fiancé, entra au couvent des Ursulines de Québec ; là, devant une statue de la Vierge, elle plaça une lampe votive qu’elle-même entretint toujours allumée de longues années durant ; cette religieuse mourut peu de temps avant la bataille des plaines d’Abraham ; mais son frère, dont un fils servait à l’armée sous

  1. Tome III, p. 188-189.