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Canadiens viennent seulement, en 1904, d’obtenir de la libérale Angleterre : le droit pour un Canadien d’exercer le commandement suprême en son pays. Sans doute, Montcalm lui était subordonné par les instructions reçues du ministre, mais en fait, placé à la tête des troupes royales, il était le véritable chef militaire, ses hommes les vrais soldats, et les miliciens locaux de simples auxiliaires.

Montcalm, un expert en matière de bravoure, admirait fort le courage des Canadiens, mais il ne pouvait s’habituer à leur manière de combattre en plaine : s’avançant en désordre, au pas de course, ils tiraient leur coup de fusil, puis brusquement se jetaient par terre pour se dissimuler dans l’herbe et recharger leur arme ; dans les bois, ils retrouvaient leur supériorité, habiles à se défiler derrière les moindres obstacles, faisant la guerre comme la chasse et manquant rarement leur but ; toutes différences dûment relevées entre deux natures de sol qui ne ressemblent guère, nous dirons qu’ils se battaient à la manière des Boers et montraient la même insouciance des formations et de la discipline européennes. Tout cela, Vaudreuil le savait par expérience et Montcalm lui-même s’en instruisit peu à peu ; mais le gouverneur ne paraît pas avoir jamais pris la peine de raisonner avec le général sur ces particularités ; il se borne à lui chercher des chicanes, il s’attarde en de vaines querelles de préséance ; esprit sans doute étroit, volonté faible, il ne sait ni imposer sa direction, ni souffrir qu’un autre dirige à côté de lui. Telle est pourtant, après de longues années écoulées, la force du sentiment canadien que l’honnête historien Garneau fait ressortir les aspérités du caractère de Montcalm ; au contraire, MM. Doughty et Parmelee seraient tentés de charger Vaudreuil, comme par un inconscient désir de critiquer les ancêtres de ces Français d’Amérique dont l’un est, aujourd’hui, premier ministre du Canada.

Aussi bien la mésintelligence entre Montcalm et Vaudreuil n’a-t-elle pas été la cause d’une défaite que tant d’autres raisons rendaient inévitable. Montcalm demanda plusieurs fois son rappel, mais seulement jusqu’au jour où la détresse irrémédiable du Canada lui commanda de demeurer au danger, c’est-à-dire dire au devoir : ce jour-là, c’était en 1758, à la veille de la chute de Louisbourg et du fort Frontenac, il insiste pour être maintenu : « Nous nous ensevelirons, s’il le faut, écrit-il au ministre, sous les ruines de la colonie. » Vaudreuil, de son côté, semble n’avoir rien