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Je n’ai pas suivi d’assez près le mouvement scientifique contemporain pour être à même de préciser la part qu’y prend l’Australie. J’ai rencontré dans ce pays des hommes instruits dans toutes les branches, quelques savans professeurs, soucieux de se tenir au courant des progrès et des études modernes. Presque tous m’ont paru très attachés à leurs spécialités, doués des facultés de méthode et d’application, capables de répandre l’enseignement supérieur parmi la jeunesse. Le plus grand nombre étaient venus d’Angleterre et avaient l’intention d’y retourner. J’ai visité des universités établies sur des bases bien ordonnées, pourvues d’un matériel suffisant, fonctionnant régulièrement, et dont les cours étaient suivis par une population d’étudians des deux sexes, assez studieuse bien qu’indisciplinée. J’ai parcouru leurs programmes. Ils répondent aux exigences d’études d’un niveau élevé, tout en laissant l’impression d’être plutôt arriérés en ce qui concerne l’histoire, les lettres et les langues, et insuffisamment développés quant aux mathématiques pures supérieures.

En dehors de ces établissemens d’instruction qui font, en somme, honneur au pays, je n’ai aperçu aucun mouvement scientifique et n’ai eu aucune connaissance d’encouragemens officiels ou privés en faveur des recherches scientifiques ou historiques. L’Australie emprunte sa science à Londres, comme elle y a emprunté ses usages, ses idées générales et le capital de sa dette. Les sociétés scientifiques qui s’y sont formées vivent difficilement. Elles n’attirent pas la jeunesse et se recrutent surtout parmi des hommes qui, arrivés au déclin de l’âge, aiment à s’entretenir des choses qui ont occupé leur esprit pendant la plus grande partie de leur existence.

A mesure que l’opinion publique appréciera mieux l’importance des sciences et des arts, cet état de choses s’améliorera. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’effort dans cette direction. La tendance actuelle est plutôt de développer les enseignemens primaire et secondaire, lesquels sont déjà bien organisés et largement dotés. L’enseignement technique (ou plutôt pratique, car la science y occupe une très modeste place) est aussi en progrès.

Tout cela est louable, même nécessaire. Cependant l’Australie devra bientôt, sous peine de rester en dehors du mouvement intellectuel de l’humanité, plus vivement encourager les hautes spéculations de l’esprit. Voici plus d’un demi-siècle qu’ont été