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meilleurs exécutans sont, en général, des artistes étrangers ; mais il y a de brillantes exceptions. Partial en faveur des enfans du pays, le public leur prodigue aisément des ovations enthousiastes. Moins facile aux artistes européens, il ne leur refuse pourtant pas ses bravos si leur mérite est incontestable, et moyennant trois conditions : il faut qu’ils soient notés comme étoiles de première grandeur, confirmés dans cette possession d’état par les réclames des journaux locaux, et d’une inépuisable complaisance à l’égard des bis et des encore. En ces dernières années, les Australiens ont acclamé Paderevski, Mark Hambourg, Mme Antonia Dolores, Mme Albani et quelques autres. Mme Melba seule a obtenu d’eux les trépignemens et le délire, parce que son beau talent est une gloire australienne.

Le goût des arts silencieux est, en Australie, moins répandu que celui de la musique. Chaque grande ville possède néanmoins une Société de peintres et de sculpteurs, donc une exposition annuelle. Sydney jouit même de deux sociétés et de deux expositions, comme Paris. Les jours qui suivent l’ouverture du Salon sont assez animés. On va chercher là des sujets de conversation. Quelques dames ont adopté la coutume d’y offrir le thé à leurs amis, d’où résulte un petit supplément de recettes. Les journaux publient de copieux comptes rendus, dans une note toujours bienveillante et trop souvent admiratrice. Avec l’aide des encyclopédies et autres ouvrages de références, ils s’appliquent à faire preuve de leurs connaissances dans l’histoire de la peinture et la technique du métier. Les toiles sont convenablement disposées. L’Etat en achète quelques-unes, à des prix plutôt élevés, pour l’Art Gallery de l’endroit ; et c’est fini jusqu’à l’an prochain.

La moyenne de ces expositions est faible, parce qu’on y admet presque toutes les œuvres présentées. Une sélection sévère laisserait en évidence quelques bons tableaux. Le souci de l’originalité et la tendance à rechercher des effets sentimentaux sont trop marqués. J’ai vu, néanmoins, dans ces expositions, des paysages reproduisant avec un sentiment juste le caractère mélancolique et rude des campagnes australiennes ; aussi quelques portraits, traités avec adresse, plus ressemblans que vivans. Les artistes australiens ont peine à rendre les images gracieuses, douces et simples. L’absence de peinture religieuse surprend dans un pays où les libres penseurs sont rares et dont le quart de la population est catholique.