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la vivacité et de l’entrain. L’étranger, pour peu qu’il entende bien la langue, est assez facilement admis au cercle de famille. L’exclusivisme anglo-saxon subsiste, mais latent et adouci. De la bonne grâce et de la tenue ont vite raison en Australie, au moins dans la forme, du préjugé de race. Les étrangers qui y trouvent le meilleur accueil sont les Français ; mais la légende de notre liberté d’allures, de manières et de langage s’y conserve, comme chez nous s’était longtemps conservée celle de l’Anglais à longs favoris rouges et de l’Anglaise à voile vert.

J’eus un jour occasion de présenter un jeune Français dans un salon de Sydney. Il s’y comporta comme le font tous les jeunes gens bien élevés, avec une amabilité discrète et une aisance tempérée de réserve. Il répondit avec simplicité et questionna avec mesure. Quelque temps après, je rencontrai une dame française qui avait assisté à la présentation de notre compatriote : « M. X..., me dit-elle, a fait une excellente impression. Mme B... (la maîtresse de la maison) a dit après son départ : — Ce jeune homme est très bien. Il n’a pas du tout les manières françaises. »

L’Australien n’est pas seulement sociable, il est hospitalier. Il ignore les invitations par séries, les grandes chasses, les fêtes de château, et autres vestiges de la vieille hospitalité féodale ou princière. Mais on trouve chez lui ce qui ne se voit guère chez nous, l’hospitalité offerte par des gens modestes à des gens plus modestes, avec une gracieuseté qui permet à ceux-ci de l’accepter sans fausse honte. Il est usuel d’aller passer ainsi quelques jours ou quelques semaines les uns chez les autres, simplement pour le plaisir de se voir. Ce plaisir est doublé fréquemment, d’une part, de la pensée de rendre un discret service, et de l’autre côté, de la satisfaction, si douce à ceux que la pauvreté rend timides, de se sentir relevés socialement. Les jeunes filles, plus souvent les vieilles, profitent de ces touchans usages, et sans risquer de les détruire, car elles montrent en général une délicate réserve qui, en pareilles circonstances, n’est pas de pratique constante sur le vieux continent.

Dans les résidences les plus éloignées des grandes villes et même d’une gare de chemin de fer, perdues au fond des monotones et immenses campagnes, on remarque un souci de confort, de tenue, et d’attention à tenir l’esprit occupé. L’harmonie des nuances n’est pas toujours observée dans la décoration