Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

professée dans les divers États de tant de souverains. » Et Pie VII, interpellant en ces termes les congressistes de Prague, leur avait réclamé la souveraineté territoriale en vue du « libre et impartial exercice du pouvoir spirituel dans toutes les parties du monde catholique[1]. » Les congressistes étaient demeurés assez inattentifs. Même en contestant l’authenticité d’un certain traité de Prague, par lequel, à la date du 27 juillet 1813, ils auraient, au détriment des États pontificaux, garanti la suprématie de l’Autriche en Italie[2], on ne saurait méconnaître que jusqu’au début de 1814 la situation du Pape captif préoccupa médiocrement les grandes puissances.

Neuf mois après les pourparlers de Prague, ce fut chez nous, à Châtillon, en mars 1814, que l’Europe eut un nouvel échange de vues ; on l’entendit demander, au nom de la religion, au nom de la justice et de l’équité, au nom de l’humanité, que le Pape fût « réintégré dans Rome, mis en état de pourvoir, en jouissant d’une entière indépendance, aux besoins de l’Église catholique[3] ; » mais il ne s’ensuivait nullement que les signataires de ces nobles phrases fussent disposés à restituer à Pie VII tout ce que Napoléon lui avait dérobé. A vrai dire, François Ier, voyant à Lucerne, le 13 avril 1814, le nonce Testa Ferrata, protestait auprès de lui que le Pape devait être souverain, qu’il rentrerait en possession de tous ses États, et que même, quelque temps durant, des troupes autrichiennes pourraient lui être prêtées, afin de lui épargner les frais d’entretien d’une armée ; et un second interlocuteur, qui n’était autre que lord Castlereagh, premier ministre du roi d’Angleterre, affirmait à son tour au nonce : « La volonté de mon gouvernement est de restituer au Pape ses États, et en cela toute l’Angleterre a des sentimens catholiques[4]. » Mais Pie VII, quelque agrément qu’il trouvât à connaître ces divers propos, redoutait avec quelque raison que ces bonnes volontés, autour du tapis vert d’un congrès, ne perdissent un peu de leur pureté et beaucoup de leur empressement. Il préférait les écrits aux paroles, et sa douleur fut grande, — plus que sa surprise, — lorsqu’il apprit qu’au début de

  1. Van Duerm, Correspondance du cardinal Hercule Consalvi avec le prince Clément de Metternich, 1815-1823, p. V et suiv. (Louvain, Polleunis, 1899).
  2. Sur les questions que soulève l’existence de ce traité, voyez Rinieri, op. cit., IV, p. 40 et suiv.
  3. Rinieri, IV, p. 11 , n. 1.
  4. Ibid., p. 26-29.