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garde de vous le plus tendre souvenir, me disait dernièrement que votre seul plaisir était la culture des fleurs[1]. » Un jour il fut tiré de ce plaisir par un appel du pontife nouveau qui le conviait à venir causer ; Consalvi, malade, se fit porter auprès du Pape. C’est un vaste sujet de causerie que l’Univers : Consalvi se complut à parler des germes qu’il avait semés en vue du rapprochement de l’Angleterre avec le Saint-Siège. On vendait toujours, dans Rome, la gravure sur laquelle Pie VII, entouré de la Force, de la Mansuétude et de la Gloire, se faisait présenter par Consalvi quatre belles effigies de femmes agenouillées, qui représentaient Rome, Ravenne, Bologne et Ferrare ; mais la pensée de Consalvi, toujours portée vers l’avenir, aspirait à d’autres conquêtes. Les efforts qu’il avait faits à Vienne pour mettre d’accord le Saint-Siège et lord Castlereagh n’avaient pas été des victoires, et pourtant on eût dit qu’entre tous les souvenirs que gardait Consalvi du Congrès de Vienne, celui-là lui était le plus précieux. Il souhaita à Léon XII de moissonner, en Angleterre, ce que lui-même avait semé, Léon XII écoutait ; il regretta peut-être que Consalvi, à qui ses forces interdisaient d’accepter la préfecture de la Propagande, ne fût plus qu’horticulteur, et Consalvi s’en retourna vers ses fleurs, destinées à lui survivre... Bientôt après, Consalvi n’était plus : les dernières paroles qu’avait prononcées ce grand homme faisaient augurer le réveil du catholicisme anglais ; et le chroniqueur qui en prit note et qui pour toujours en fixa l’expression était dès lors en passe de devenir célèbre : il devait être le cardinal Wiseman.


GEORGES GOYAU.

  1. Crétineau-Joly, Mémoires du cardinal Consalvi, I, p. 137.