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conscience. C’est possible, mais qu’en savons-nous ? Au fond, sans nous en rendre compte, nous retombons simplement dans la méprise d’Auguste Comte. D’une part, en effet, la psychologie cesse d’être psychologique, c’est-à-dire qu’elle renonce à trouver les véritables lois des phénomènes spirituels. D’autre part, la physiologie constate seulement des coïncidences entre tel fait moral et tel fait physique : elle n’explique pas leurs lois de succession.


IV

Aussi la psychologie française ne devait pas en rester là. C’est encore M. Th. Ribot, qui, l’ayant initiée au mouvement de l’étranger, lui communiqua son élan original.

Depuis Claude Bernard, il était entendu pour le physique que les lois de la maladie sont les mêmes que celles de la santé : pourquoi n’en serait-il pas ainsi au moral ? En poursuivant ses études physiologiques des phénomènes mentaux, M. Ribot s’avisa donc de recourir aux médecins. Il consulta leurs rapports, rédigea ses travaux sur leurs « observations. » Par-dessus l’Allemagne et l’Angleterre, par delà Auguste Comte, il renoua la grande tradition française des aliénistes : « L’homme n’est connu qu’à moitié, avait dit Broussais, s’il n’est connu qu’à l’état sain L’état de maladie fait aussi bien partie de son existence morale que de son existence physique. » Et c’est pourquoi des livres, comme les Maladies de la Mémoire, les Maladies de la Personnalité, les Maladies de la Volonté, ont une importance historique qui ne peut être méconnue.

Sans doute, M. Ribot reste fidèle ici à son premier point de vue ; il considère d’abord la mémoire comme « un fait biologique. » « La mémoire, dit-il, est une fonction générale du système nerveux. Elle a pour base la propriété qu’ont les élémens de conserver une modification reçue et de former des associations. » Or, pour la conscience, la mémoire joue un double rôle ; elle conserve, elle reproduit. Ces deux opérations sont surtout physiologiques : la conservation dépend de la nutrition : dans un cerveau fatigué, aux élémens pauvres, rien ne se fixe, ces élémens se trouvant dans l’incapacité d’organiser entre eux des associations nouvelles ; la reproduction est un effet de la circulation générale ou locale : un cerveau où le sang circule mal