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quelques juifs, autour de la Halle aux Cuirs. L’odeur, dont la Bièvre emplit l’air, a écarté depuis longtemps les délicats ; en même temps, elle semble avoir servi de guide à tous les ouvriers qui dans Paris travaillent le cuir. Il est possible qu’une migration s’opère sous peu ; la rivière, qui est un cloaque, va être couverte entièrement, et quelques-unes des anciennes tanneries ont déjà transporté leurs installations à Gentilly.

L’arrondissement contient beaucoup de malheureux. On s’en rendra compte en remarquant qu’il y a 30 000 logemens de deux pièces au plus, situés le plus souvent dans des constructions fort anciennes, pressées les unes contre les autres, et qui sont autant de défis portés aux plus élémentaires principes de l’hygiène publique. Il faudrait provoquer l’union de toutes les bonnes volontés pour livrer bataille à la misère, surtout dans le quartier du Jardin des Plantes où les familles ont tant d’enfans, et dans les rues qui avoisinent la Seine où les ouvriers sans travail sont si nombreux.

Le sixième arrondissement semble être le séjour favori de ceux qui vivent de la plume, de la parole ou du pinceau. Il n’y a pas de maison où l’on ne trouve des avocats, des fonctionnaires, des hommes de lettres ou des artistes.

Ici, l’élément ouvrier a presque totalement disparu ; et l’on se rendra compte de l’activité intellectuelle de tout ce monde, en constatant combien sont nombreuses les Sociétés qui ont leur siège dans l’arrondissement. Elles sont au moins cinquante qui demandent asile à la Mairie pour y tenir leurs réunions annuelles, mensuelles, hebdomadaires et même quelquefois plus fréquentes ; en outre, l’hôtel des Sociétés Savantes, la Société de Géographie et quelques salles moins connues, font, sur ce terrain, une concurrence active à la mairie du Luxembourg.

Le quartier de la Monnaie fait exception à l’état de choses qui vient d’être observé. Il est habité surtout par des employés de commerce dont les occupations sont dans les grands magasins de la rive droite ; par un très grand nombre de petits boutiquiers et d’employés, tels que : cochers d’omnibus, contrôleurs du métropolitain, gardiens de la paix, employés des postes et de l’octroi ; par des garçons de courses, des ouvriers tailleurs ; et aussi par de nombreux bouquinistes, dont la marchandise emplit les étroits logemens, avant d’être répandue sur les parapets des quais. Depuis des siècles, le bric-à-brac du livre a élu domicile