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ville, des préposés de l’octroi, de petits employés de commerce ou de banque, et quelques journaliers de la voie publique. Dans ce milieu, l’œuvre des habitations ouvrières de Passy-Auteuil a recruté ses locataires et ses propriétaires. Quelques mauvais hôtels s’y laissent encore voir ; il en est ainsi, toutes les fois que l’élément ouvrier fait son apparition. Pour le reste d’Auteuil, la population est tout à fait bourgeoise ; elle a tenté de réunir ensemble ces deux avantages, le séjour de la ville et la villégiature. A la vérité, les maisons à six étages menacent les villas. Cependant, il en existe encore ; mais non plus, comme au temps de Boileau, de Molière et de La Fontaine. Aujourd’hui, il y a là près de 25 000 âmes. Malgré cela, de tous les quartiers déjà vus, c’est encore celui qui compte le moins d’habitans à l’hectare, après Bercy, à l’autre bout du fleuve.

Passy, le vieux Passy, est à cheval sur les deux quartiers d’Auteuil et de la Muette. Il était autrefois de tradition dans la ville, parmi les commerçans, bouchers, charcutiers, boulangers, épiciers, crémiers, tapissiers, coiffeurs, de se retirer là, après fortune faite. C’est bien ainsi que les choses se passent encore de nos jours ; elles sont nombreuses les familles, dont l’avoir peut varier entre 25 000 et 30 000 francs de revenus, gagnés dans les affaires. Ces gens vivent simplement, dans un confort solide ; ils n’aiment pas le plaisir, l’ennemi de toute leur vie ; ils n’ont d’aspirations intellectuelles que pour leurs fils dont les études se poursuivent à Janson-de-Sailly, après avoir commencé à Jean-Baptiste-Say. Mais voici que, vers sept heures, un train s’arrête, en gare de Passy ; en un instant, la place est noire de monde. Ce sont de beaux messieurs qui reviennent au logis, après un jour passé à la Bourse, à leur bureau, à leur atelier, ou à leur théâtre. Ils ont pris le train à Saint-Lazare, ce qui veut dire que leurs occupations sont au neuvième, au premier ou au deuxième arrondissemens. Ils ont plus de désirs de luxe que leurs voisins, les vieux rentiers. Enfin, il existe dans la grande rue de Passy quelques familles qui se sont formées là et s’y sont développées. Ce sont proprement des indigènes, qui ont le monopole du commerce local. D’ailleurs, la même remarque aurait pu être faite à Plaisance, à Vaugirard, et généralement, dans tous les territoires des anciennes communes annexées. Les pauvres ne sont pas nombreux. On rencontre quelques vieillards indigens à Passy et quelques valides nécessiteux au Point-du-Jour. Les