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par Mehemet-Ali, complétée par les Anglais, cette œuvre gigantesque dont le couronnement semblait avoir été réalisé lorsque fut inauguré le barrage d’Assouan, a-t-elle donné ce que ses initiateurs en promettaient ? Les craintes que son avenir inspire à certains esprits sont-elles justifiées ? Est-elle susceptible de nouveaux développemens au moyen de travaux exécutés dans le Soudan, au besoin en Abyssinie, ou plus simplement en Égypte ? Ces questions occupent beaucoup les esprits depuis quelque temps, au Caire et à Alexandrie, et fournissent un sérieux aliment aux spéculations des financiers. La décision prise en mars 1905 par le ministère khédivial des travaux publics, de surseoir à la surélévation du barrage d’Assouan, le décret promulgué à la suite de cette décision pour interdire la vente des biens de l’Etat, sont encore vivement discutés, La construction, décidée récemment d’un nouveau barrage à Esneh, achève de faire des irrigations égyptiennes, dans le présent et dans l’avenir, une question d’actualité qu’il est intéressant de faire connaître, sous une forme accessible, au public français.


II

Maintenir le fleuve dans son lit et ne lui permettre d’en sortir que pour remplir, aux temps fixés, les bassins et les canaux ; lui emprunter la plus grande quantité d’eau possible ; diriger cette eau de façon à fertiliser la plus vaste superficie de terre, de la manière la plus efficace ; enfin, point essentiel, l’évacuer lorsque, devenue inutile, elle menace de nuire au sol autant qu’elle lui a profité ; ainsi se pose le double problème de l’irrigation et du drainage.

Jusque vers le milieu du dernier siècle, ce problème fut résolu, plus ou moins efficacement suivant les époques, par un procédé assez simple, habituellement désigné sous le nom de système de l’inondation, et qu’on ferait mieux d’appeler le système des bassins. Ces bassins sont formés au moyen de digues, dans la longue cuvette qui sépare les bancs du Nil, surélevés par les alluvions que le courant y dépose depuis des siècles, du désert dont les bords surplombent partout d’une dizaine de mètres, la vallée fertile.

Qu’on se représente deux digues parallèles, distantes de huit à dix kilomètres et coupant à angle droit, d’un côté une troisième