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la culture riche et intensive du coton, avait négligé l’entretien des bassins sans que le double réseau de canaux et de drains, grâce auquel s’accomplit l’irrigation estivale, y gagnât beaucoup. D’une part, les canaux d’arrosage étaient mal disposés, mal réparés, mal nettoyés, mal défendus contre les rigoles et les pompes des riverains ; leurs vannes, là où il en existait, fonctionnaient de travers ; d’autre part, les canaux de drainage, dont l’utilité ne se fait sentir qu’à la longue, étaient abandonnés, parfois même transformés en canaux d’arrosage. Des régions entières furent converties ainsi en marécages, d’autres, saturées de sel, devinrent incultes. Les causes de cet insuccès d’un système ingénieusement conçu sont très bien mises en relief dans le livre écrit sur l’œuvre des Anglais en Égypte par lord Milner, ancien sous-secrétaire d’Etat au ministère khédivial des Finances. « L’exécution de ce système était trop difficile, étant donnée la situation des hommes chargés de l’appliquer... Méhémet Ali avait confié cette mission à des ingénieurs français fort distingués. Conseillers savans et habiles, mais simples conseillers, ils ne pouvaient surveiller le travail de leurs agens disséminés dans les provinces ni s’opposer à ce que ceux-ci faisaient contre leurs instructions à l’instigation des influences locales ou sur l’ordre de moudirs (préfets) ignorans[1]. »


IV

Sur ces entrefaites, des ingénieurs anglais, formés par un séjour dans les parties de l’Indoustan que le climat et l’agriculture rapprochent beaucoup de l’Égypte, assumèrent la direction effective du ministère des Travaux publics, et l’irrigation égyptienne entra dans une phase nouvelle. Ils travaillèrent tout d’abord à réparer et à corriger l’état de choses existant, se réservant d’innover et de créer au moment opportun. Seul un technicien écrivant pour des techniciens pourrait décrire ce labeur patient et sagace. Bornons-nous à résumer cette première phase en quelques lignes.

A deux reprises les assises du barrage furent renforcées ou refaites ; pourvu de vannes et d’écluses, il retient maintenant cinq mètres à l’étiage. Enrichi de nouvelles et importantes

  1. England in Egypt, p. 285-286.