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premiers pour introduire dans l’anglicanisme des innovations catholiques, les seconds pour sauver l’anglicanisme du péril catholique en y fortifiant encore la mainmise de l’Etat. Dans certaines fractions de l’Église anglicane, dans celles où prédominaient les tendances d’un Keble ou d’un Pusey, on avait des couvens, des confessionnaux, des communions hebdomadaires ; on s’efforçait de mettre à la disposition des âmes religieuses toutes les ressources dont disposait l’Eglise sœur, l’Eglise de Rome ; et l’on affectait de mettre en relief tout ce que le Prayer Book recelait d’inspirations catholiques. Mais au même instant l’État tuteur de l’Église faisait volontiers étalage des liens qu’il avait noués en 1841 avec le protestantisme prussien et de l’initiative commune par laquelle Londres et Berlin avaient fondé un évêché à Jérusalem. A mesure que le catholicisme s’infiltrait dans l’Église anglicane, il semblait que l’État voulût faire front en s’alliant avec les autres confessions filles de la Réforme. Le péril, aux yeux de l’Etat anglais, n’était pas du côté de l’incroyance, mais du côté de la foi. Un clergyman du nom de Gorham, en 1849, fut exclu d’une cure par l’évêque d’Exeter, à cause des opinions fort incorrectes qu’il professait sur le baptême : le Comité judiciaire du Conseil privé prit fait et cause pour Gorham ; et, de par la volonté des juridictions d’Etat, Gorham devint curé, — curé malgré l’évêque. « Par jugement, écrivait Gladstone, un principe est posé qui permettra d’ôter toute leur force aux articles du Credo, l’un après l’autre, à mesure que, par degrés successifs, l’opinion publique l’admettra et l’encouragera. Ainsi également un principe est posé, qui permettra à l’Etat d’assumer habituellement la charge d’interpréter le Credo aussi bien que les autres documens de l’Eglise. » Maxwell, Allies, Manning, parlaient et écrivaient comme Gladstone ; et leur conversion au catholicisme fut la réponse des « tractariens » au verdict imprévu par lequel l’État justifiait Gorham. Manning, au lendemain de ce verdict, sentit en sa conscience une sorte de vide, un vacuum, disait-il ; comme Newman s’était fait romain, Manning à son tour se fit romain ; et les mêmes commentaires de s’entre-croiser : « C’est la faute de l’État, » disaient les « tractariens » demeurés fidèles à l’anglicanisme. — « La faute en est aux « tractariens, » ripostaient les anglicans attachés à l’hégémonie de l’État… A deux reprises, le clergé anglican de l’église de Saint-Saviour, dans laquelle Pusey