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inquiète toujours les autorités anglicanes ; et dans ces derniers mois, une commission d’enquête, la troisième constituée depuis que le ritualisme existe, déposait un nouveau rapport sur ces délicates questions[1].

Ainsi, dans l’anglicanisme même, la renaissance catholique a fait son œuvre. La dévotion à la Vierge, l’intercession des saints, la foi au purgatoire, les prières pour les morts, la confession, la croyance à la présence objective du corps et du sang du Christ dans les espèces consacrées, sont propagées, dans la chrétienté anglicane, par l’enseignement et par la liturgie, par les images et par les pratiques dévotes ; et certains catéchismes en usage dans les paroisses High Church paraissent copiés sur les catéchismes romains. Newman, durant ses années de crise, avait tracé, par un effort d’intelligence, une sorte de via media qui permettait d’échapper à la fois au protestantisme et au catholicisme : « Contre le premier, nous dit M. Thureau-Dangin, il revendiquait le principe dogmatique et sacramentel ; du second, il repoussait ce qu’il appelait la corruption. » Un jour vint où Newman observa que cette via media si péniblement dessinée « n’existait que sur le papier, » qu’elle était « connue, non positivement mais négativement, dans ses différences avec les symboles rivaux, non dans ses propriétés à elle, » et qu’elle ne pouvait être décrite que « comme un tiers système qui n’était ni l’un ni l’autre, qui était partiellement tous les deux. » Et Newman, impitoyable, analysant la via media, la voyait s’effacer devant lui ; elle ne pouvait orienter son âme ni même la porter. Mais le High Church, depuis un demi-siècle, a-t-il fait autre chose que de s’engager, avec le moins de tâtonnemens possible, dans cette via media délaissée par Newman ? Elle devient pour certains, comme elle le fut pour lui-même, une avenue qui conduit à l’Eglise romaine : M. Lindsay, qui précéda lord Halifax dans la présidence de l’English church Union, fut naguère accompagné jusqu’au terme de l’avenue par soixante-dix-sept clergyman, ritualistes également, et devenus aujourd’hui des prêtres de Rome ; et l’expérience de plusieurs ministres de la religion romaine considère le ritualisme comme une « école préparatoire » pour le catholicisme. Il est au contraire d’autres ritualistes, —

  1. Qu’on lise sur ce rapport le numéro de la Revue catholique des Eglises, de juillet 1906, et qu’on nous permette d’ajouter que cet organe est d’un prix inestimable pour quiconque veut se tenir au courant des questions religieuses anglaises.