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Si la droite est en majorité, si elle a six cents voix sur neuf cents, eh bien, que deviendra-t-elle devant une minorité à laquelle la révolution de Février donne le droit d’appeler les masses à son secours ? Je ne réponds pas à cette question ; chacun y répondra dans son for intérieur.

On doit la vérité à son pays. La voici. Je ne la vends pas, je la donne.

Ceci est le côté politique de notre état actuel. Mais voici le côté des intérêts privés.

Les mots : organisation du travail, signifient coalition des travailleurs, et ce mot de travailleur a pour unique traduction le mot ouvrier. On a supprimé, comme par enchantement, tous les autres travaux : ceux de l’intelligence, ceux du commandement, ceux de l’invention, ceux des voyageurs, ceux des savans, etc.

Aussi, les ouvriers ont-ils admirablement compris la coalition. Ils sont enrégimentés, ils ont des chefs et des représentans.

En un moment tous les salaires ont doublé, par la restriction du temps de travail ; et, par la plus-value de la journée, la production diminue nécessairement, et l’objet produit devient plus cher.

Pense-t-on à créer des acheteurs ? Tout au contraire, on les supprime, par les dangers évidens de la situation politique. Mais, en maintenant (ce qu’il ne faut concéder que pour faciliter la discussion) autant d’acheteurs pour les produits renchéris qu’il s’en trouvait pour les produits précédens :

Primo. Les produits précédens s’écouleront avant les produits renchéris ;

Secundo. Par suite de ce retard, les produits renchéris perdront de leur valeur.

C’est la ruine certaine des fabricans.

Passons par-dessus ces deux inconvéniens ; admettons, par un miracle, que la situation commerciale soit identiquement celle qui régissait la France en janvier 1848. Voyons le résultat de cette opération.

Dès que les salaires sont doublés, les objets de consommation suivent cette marche, car le blé coûtera plus cher, soit par l’élévation des salaires des ouvriers forains et à domicile de l’agriculteur, soit par le renchérissement des transports ; ainsi des loyers, etc. Donc l’ouvrier, avec ses dix heures de travail et sa journée plus rétribuée, se trouvera dans la même situation