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Maintenant, pour sauver la France, il faut ourdir la conspiration du bien, comme la conspiration du mal a éclaté, avec rapidité. Au lieu d’envoyer à l’Assemblée des gens sans éducation ni instruction, comme le désire un citoyen-ministre, il ne faut y envoyer que les sommités du pays en tous genres, car nous aurons plus de chance d’y trouver de grands politiques, et il faut surtout y envoyer des gens de courage, qui présentent des forces imposantes et résolues aux opinions désorganisatrices.


II

Le temps est la fortune, toute la fortune de l’homme, comme il est celle des Etats, car toute fortune est l’œuvre du temps et du mouvement combinés, pour nous servir d’une expression algébrique qui comprenne toute espèce d’activité. Dire à l’homme : « Tu ne travailleras que tant d’heures par jour, » c’est réduire le temps, c’est entreprendre sur le capital humain. Supprimer le travail à la tâche, c’est encore pis, selon nous, c’est s’inscrire en faux contre ce grand principe chrétien, social : « A chacun selon son œuvre. » Ces deux propositions sont en elles-mêmes un attentat à la liberté individuelle, à la richesse privée et à la richesse publique. C’est, enfin, la tyrannie, au nom d’une théorie spécieuse, fausse à l’application. C’est l’exercice régimentaire substitué à la production libre et spontanée. Nous voyons, avec désespoir pour les ouvriers eux-mêmes, cette erreur, qui part d’ailleurs d’une secte économique dont la bonne foi, dont le désir de bien faire, ne sont pas douteux. Mais examinons le résultat de cette théorie, appelée l’organisation du travail, et qui ne nous en a donné jusqu’à présent que la désorganisation.

En abolissant le marchandage (en haine des marchandeurs seulement), et en réduisant les heures de travail, quel est le quotient social, quel est le quotient particulier de cette opération ?

Vous nivelez la production en disant : « Tu n’iras pas plus loin. » C’est la réduction du commerce général, c’est préparer le triomphe de la production anglaise sur la production française, car l’Angleterre ne désarmera pas ses ateliers comme nous les nôtres ; elle restera sur pied de guerre. Nous ne pensons pas qu’on s’arrête à l’observation que les maîtres payeront des heures en sus. D’abord, ce serait le renchérissement de la production,