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un vieillard d’Israël célèbre une Pàquefurtive. Bientôt la cathédrale de Munster ouvre ses nefs immenses au cortège du couronnement, et, sur le front, qu’il osa courber, de sa mère, le prophète anabaptiste étend ses mains impies. Enfin, d’autres architectures s’élèvent : temples bizarres, entrevus à travers les palmes et tout retentissans d’étranges incantations. Un brahmine à la tiare d’or bénit de royales épousailles. Mais elles ont un lendemain funeste et déjà, sous l’arbre aux grappes de pourpre, la sombre et magnanime épousée vient chercher l’oubli, le sommeil et la mort.

« Ils ne chantent plus ! » C’est ainsi qu’on parle maintenant, — et vous savez avec quel mépris ! — de tant de héros et d’héroïnes d’autrefois : de Raoul et de Valentine, de Bertram et d’Alice, de Guillaume et d’Éléazar, de Fidès et de Selika. Sur la scène en effet, sur la scène visible et réelle, ils rompent rarement le silence que, depuis quinze années, leur impose un maître impérieux et jaloux. Mais dans l’ordre idéal, éternel, « ils chantent encore. » Et si d’autres voix, plus anciennes ou plus jeunes même, nous paraissent plus pures et surtout plus profondes que leurs voix, celles-ci pourtant furent trop humaines, trop pathétiques, pour que jamais elles se taisent, et pour qu’on refuse ou qu’on dédaigne jamais de les entendre. Nous vous proposons de les écouler aujourd’hui.


I

Le « grand opéra français, » c’est l’opéra dont un de nos musiciens, Auber, nous a donné le premier et très imparfait exemplaire. Un Italien, Rossini, et Meyerbeer, un Allemand, en ont créé chez nous, pour nous et selon nous, les chefs-d’œuvre. Le second tiers, à peu près, du siècle dernier en a vu l’apparition et tout de suite la gloire. Voilà pour l’origine et pour le « moment, » ou l’époque, du genre. Et voici pour ses caractères : le « grand opéra français, » c’est avant tout de la musique de théâtre, de la musique de drame, de drame historique et pittoresque, et de la musique à grand spectacle. Mais quelquefois, beaucoup plus et beaucoup plus souvent qu’on n’affecte aujourd’hui de le croire, c’est aussi de la musique tout court, ou de la musique pure.

Entre la tragédie de Gluck, de Méhul ensuite, et le grand opéra français, l’œuvre de Spontini peut servir d’intermédiaire