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de près. » Il finit cependant par persuader les habitans de Loreggia, sa commune ; sans doute, lorsqu’ils virent que ce millionnaire faisait partie de la Société, pensèrent-ils qu’il risquait plus qu’eux, et qu’il supporterait les pertes éventuelles. En 1897, les caisses Wollenborg étaient environ au nombre de cent ; sauf quelques détails, l’œuvre de Raiffeisen revit tout entière dans les caisses rurales italiennes.

Presque partout le médecin, le curé, l’instituteur en font partie, et tous leurs membres sont des agriculteurs : chaque dimanche, les instituteurs font déposer par leurs écoliers à la caisse rurale leurs petites économies de la semaine. Le curé de Loreggia, collaborateur fort zélé de M. Wollenborg (celui-ci est israélite), écrivait à un journal de Venise : « On va maintenant moins au cabaret, on travaille mieux et davantage. Les gens honorables étant seuls admis comme associés, on a vu des ivrognes promettre de ne plus entrer au cabaret, et tenir parole. On a vu des ignorans, de cinquante ans et plus, apprendre à écrire pour savoir signer leurs demandes d’argent et leurs billets. Tel individu, repoussé parce qu’il est inscrit au bureau de bienfaisance, a fait les démarches nécessaires pour que son nom fût rayé de la liste de secours, et désormais, au lieu de vivre d’aumône, il vit de son travail[1]. » Fondées le plus souvent avec l’appui du clergé, les caisses rurales Wollenborg répudient avec soin toute tendance confessionnelle.

Au contraire, les caisses rurales catholiques, instituées par dom Luigi Cerutti et dom Giuseppe Resch, qui en 1897 s’élevaient au chiffre de 540, sont nettement confessionnelles : des économistes, des philanthropes tels que M. Eugène Rostand, désapprouvent formellement cette confusion des principes : « Les prêtres catholiques de la Vénétie, remarque ce dernier, avaient pris dès l’origine une part intelligente et généreuse à la diffusion des caisses rurales : pourquoi les faire sortir de ce rôle juste et si profitable à leur prestige moral ? Par elle-même la coopération est une école de vertus, prévoyance, sacrifice, amour mutuel : la subordonner à des fins qui sont en dehors et au-dessus d’elle, est une faute. Œuvre économique, il n’est bon ni de la fonder sur des bases mystiques, ni de l’enfermer entre croyans d’une

  1. « La laiterie coopérative est un professeur d’arithmétique, » répétait souvent l’initiateur de ce mouvement si heureux, dom Antonio délia Lucia. Autant peut-on dire de la caisse agraire.