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laquelle sa passion pour les animaux donnait une physionomie à part : « La vue de ses guenons et de ses chiens lui était plus agréable que la nôtre, » écrit sa fille[1]. Dans ces conditions, les enfans essaimaient à l’envi dès que leur âge le permettait, et chacun se tirait d’affaire comme il pouvait.

L’aîné des garçons était Charles-Louis[2]. Son l’établissement dans le Palatinat avait été d’un heureux augure pour les siens ; il promettait des jours meilleurs. La reine Elisabeth y compta, et fut vite détrompée. On possède les lettres « piteuses » où la mère implore des secours, et les réponses glaciales où le fils « marchande et gagne du temps[3]. » Si Charles-Louis a fini par servir à la reine Elisabeth une pension de 6 000 thalers, c’est, à coup sûr, qu’il n’a pas pu faire autrement : « Il avait deux femmes à entretenir, » allègue Hausser, l’historien du Palatinat, en manière d’excuse.

Parmi les autres enfans, le prince Rupert vécut en héros de roman d’aventures, devint pirate, acquit une grande réputation d’homme de mer et mourut amiral anglais. Maurice fut aussi pirate et disparut dans un naufrage ; à moins qu’il n’ait été pris par d’autres pirates et vendu à Alger comme esclave, car il existe deux traditions. Edouard passa en France, se convertit au catholicisme et occupa la position peu considérée de mari de la célèbre Anne de Gonzague, dite la Palatine. Philippe s’enfuit de la maison après avoir tué le favori de sa mère, commença une existence agitée et vagabonde et trouva la mort, très jeune encore, au service de la France. La princesse Elisabeth, l’amie de Descartes, qui était fort belle et qui « savait toutes les langues et toutes les sciences[4], » se mit dans le couvent luthérien de Herford, en Westphalie, sous promesse de succéder un jour à l’abbesse. La princesse Louise-Hollandine s’enfuit de la maison maternelle, comme son frère Philippe, se fit catholique, s’en vint en France où sa conversion lui valut une pension d’Anne d’Autriche et l’abbaye de Maubuisson, près Pontoise, et mena joyeuse vie : « L’abbesse de Maubuisson…, écrivait Madame,

  1. Memoiren, etc., p. 34.
  2. En réalité, il n’était que le second ; mais son frère aîné ayant péri dans un naufrage, il avait hérité de ses droits et pris sa place.
  3. Voyez Hausser, II, 613. Il ne semble pas que cette correspondance ait jamais été publiée.
  4. Mémoires de l’Électrice Sophie, p. 38.