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rôle en Extrême-Orient grandit, n’est pas celui où il faut nous préparer à « lâcher » l’Indo-Chine, mais bien celui où il faut nous mettre en mesure de la gouverner mieux[1], de mettre en valeur ses ressources, de la défendre contre toutes les convoitises du dehors et tous les découragemens du dedans.


VI

Des palais délicatement ouvragés où s’abritent l’art compliqué et la civilisation vieillie de l’Indo-Chine française, si l’on passe à la construction, — d’un style barbare, mais puissant, qui rappelle les monumens de Tombouctou et les tatas des tyrans soudanais, — où l’Afrique occidentale étale avec orgueil les magnifiques espérances de son essor économique, le contraste est complet et l’antithèse saisissante. Ici le Français, le blanc, travaille sur table rase ; tout est à créer ; les populations, très clairsemées, appartiennent pour la plupart à ces bons peuples nègres du Soudan, facilement gouvernables et qu’il suffit de bien traiter pour en faire de fidèles sujets ; pas de villes, pas de routes ; une organisation politique et sociale rudimentaire ; l’administrateur, le commandant de cercle éprouve partout cette joie profonde de créer, de voir, presque aussitôt après l’effort, grandir les résultats. M. Roume disait récemment la satisfaction qu’il avait éprouvée lorsque, naviguant sur le Niger, il voyait partout les villages se relever de leurs ruines, les terres naguère en friche se couvrir de moissons, des cultures nouvelles prospérer, la vie fleurir là où les Ahmadou et les Samory avaient semé la mort et la destruction. L’honneur de ces résultats revient d’abord, — l’Exposition ne le rappelle peut-être pas assez, — aux soldats

  1. Il se pose actuellement, en Indo-Chine, un certain nombre de problèmes administratifs extrêmement délicats qu’il ne nous est pas possible d’aborder ici les monopoles, notamment celui de l’alcool, alimentent pour une très forte par le budget ; mais la perception de cet impôt soulève les plus grosses difficultés. Une nuée de fonctionnaires des contributions indirectes, généralement mal préparés à une besogne qui, parmi les populations indigènes, demande beaucoup de tact et de mesure, s’est abattue sur le pays. La manie de la régularité et de l’uniformité, dont le Français n’arrive pas à se départir, a fait créer des douanes jusque sur le Mékong et le long de la frontière siamoise du Luang-Prabang, au risque de provoquer l’émigration de nos sujets sur la rive siamoise du fleuve. Nous ne pouvons qu’indiquer ici ces erreurs d’application. Il faut que les indigènes soient intéressés au développement économique de l’Indo-Chine bien loin d’en être les victimes. Dût le budget en souffrir, l’organisation des douanes doit être révisée et des adoucissemens doivent être apportés au régime des monopoles.