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an, en 1788, et la duchesse, sa mère, avait laissé 200 francs de pension viagère au chirurgien de sa terre d’Attichy « pour continuer à prendre soin des pauvres de la paroisse. »

Il existait, sous Louis XVI, à la campagne, des chirurgiens auxquels on reproche de « n’en avoir que le nom. Il leur suffit de savoir faire une saignée pour se croire capables d’exercer. » De même y avait-il, aux champs, nombre de médecins d’un savoir fort équivoque, on l’a vu plus haut, tandis qu’il existait à Paris des chirurgiens fameux tels que Jean Juif, que, sous Louis XIII, les grands personnages se disputaient et qui suivait Richelieu dans ses déplacemens. Méritaient-ils leur réputation ? « Entre nous, écrit le cardinal à Chavigny, M. Juif est un chirurgien comme un autre, capable de grandes bévues. »

Peu importe leur habileté ; il suffit de savoir que l’opérateur en renom est sur le même pied que le grand médecin. A la Cour, le premier n’est point subordonné au second ; il se voyait, tant près du Roi que des princes, 56 chirurgiens. Bien que François Félix, le premier chirurgien de Sa Majesté eût, depuis 1668, uni à son titre pour se conformer à la jurisprudence nouvelle, la charge de « premier barbier, » que le titulaire eut ordre du Roi de lui vendre, il ne paraît pas que leur assimilation aux barbiers-saigneurs ait eu, contre les chirurgiens-maîtres ès arts, de résultat pratique.

Les uns et les autres continuèrent à être traités et payés suivant leur capacité, leurs services et leur clientèle. S’ils eurent, dans les hospices, des appointemens tantôt égaux, tantôt supérieurs ou inférieurs à ceux des médecins, nous n’en saurions tirer aucune conclusion parce que nous ignorons les obligations qui leur sont respectivement imposées[1] et parce que cette qualité de chirurgien était indistinctement appliquée à des praticiens instruits et à de simples « rebouteurs, » comme pouvait être à Nantes, en 1580, le « maître-habilleur des rompures de membres et os de personnes ou bêtes animales. » De fait, leur traitement, un peu plus bas en général que celui du médecin, n’en différait pas sensiblement[2].

  1. Ainsi le chirurgien de l’hospice de Clermont-Ferrand, en 1695, touche 175 francs, tandis que son « garçon » en touche 350 ; mais il est tenu de ne pas exercer ailleurs qu’à l’hospice.
  2. Évalués en monnaie actuelle, les traitemens du chirurgien et du médecin étaient de 400 et 500 francs à Rouen, en 1705 ; de 650 et 137 francs à Soissons en 1638 ; de 600 et 835 francs à Paris en 1524, de 100 et 150 francs à Marseille en 1414, etc.