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terre et le royaume sont à moi… mais je vais faire la division de la terre en distribuant proportionnellement par lots, afin que vous fassiez mon service ; ainsi je veux que vous ayez part égale, ô mon peuple, je vous donnerai les vallées et les marais parce que c’est moi le Seigneur de la Terre. »

Dès lors, après avoir promené son peuple de campagne en campagne en dehors de l’Emyrne, il s’appliqua, avec autant de passion, à l’y fixer par l’agriculture. Le temps de la guerre était clos ; le sagayeur devait prendre l’angady dans ces grands champs de manœuvre que sont les rizières. « Les guerres sont finies, le pays est pacifié… et d’ailleurs tant qu’il y aura des hommes dans mon royaume, je n’ai peur d’aucun être vivant… Mon seul ennemi, c’est la famine, et celui qui ne travaille point pactise avec l’ennemi et lui ouvre les portes du pays. » Transformant en activité pacifique la fièvre guerrière de son peuple, encore surexcité, il sut montrer au Merina la beauté martiale du travail : « Plantez du riz et mettez beaucoup de fumier, plantez aussi du manioc, des patates, du maïs… Les racines de manioc sont les colonnes de mon empire, ce sont mes soldats dans la bataille contre la famine. » Ce fut une organisation toute militaire de l’agriculture. Le chef de village, comme un chef de section, était responsable du labeur de ses hommes, devait régler sévèrement leur vie dans les sillons. « Si vous voyez un individu dormir après le lever du soleil, rouez-le de coups ; celui-là n’a pas le droit de se reposer, qui n’est pas capable de planter un pied de manioc. » Tous les Merina, à cinq heures du matin, étaient debout dans les rizières. La loi avait prévu les cas de désertion : « Si un homme veut changer de champs, ce sont des prétextes pour ne rien faire ; tous les champs de mon royaume se valent ; les Merinas sont des œufs qui ne doivent pas changer de couveuse. » Afin de demeurer en relation constante avec les troupes de sa grande armée agricole, il avait institué des inspecteurs qui faisaient des tournées générales et le renseignaient sur les cours des marchés dans les villages. S’ils avaient monté, il convoquait le fokon’ olona : « Vous ne, travaillez pas, les vivres sont hors de prix chez vous ; si les cours ne baissent pas rapidement, je vous fais piller par mes soldats. » Comme exercices destinés à assouplir et à stimuler les énergies, il avait créé les paris agricoles, par quoi les villages se provoquaient, se défiaient au travail : « Si vous