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voir à Niddin, ces Wauchope qui m’avaient si bien accueilli, quand j’étudiais, et j’avais appris que la sœur aînée était dans une petite ville, un bain, si je ne me trompe, appelé Moffat. Quoique je n’eusse pas trop de quoi prendre un détour, je voulus pourtant l’aller voir, je ne sais pourquoi, car c’était une personne fort peu agréable, de trente à trente-cinq ans, laide, rouge, aigre et capricieuse au dernier point. Mais j’étais en si bonne disposition, et si content de la réception qu’on m’avait faite, que je ne voulais pas manquer une occasion de voir encore quelques-uns de ces bons Écossais que j’allais quitter pour un temps illimité. En effet je ne les ai pas revus depuis. Je trouvai Mlle Wauchope, établie solitairement comme il convenait à son caractère. Elle fut sensible à ma visite et me proposa de retourner à Londres par les comtés de Cumberland et de Westmoreland. Un pauvre homme qu’elle protégeait se joignit à nous, et nous fîmes une course assez agréable. J’y gagnai de voir cette partie de l’Angleterre, que je n’aurais pas vue sans cela. Car j’ai une telle paresse et une si grande absence de curiosité que je n’ai jamais de moi-même été voir ni un monument, ni une contrée, ni un homme célèbre. Je reste où le sort me jette jusqu’à ce que je fasse un bond qui me place de nouveau dans une tout autre sphère. Mais ce n’est ni le goût de l’amusement, ni l’ennui, aucun des motifs qui, d’ordinaire, décident les hommes dans l’habitude de la vie qui me font agir. Il faut qu’une passion me saisisse pour qu’une idée dominante s’empare de moi et devienne une passion. C’est ce qui me donne l’air assez raisonnable, aux yeux des autres qui me voient, dans les intervalles des passions qui me saisissent, me contenter de la vie la moins attrayante, et ne chercher aucune distraction.

Le Westmoreland et le Cumberland dans sa belle partie, car il y en a une qui est horrible, ressemblent en petit à la Suisse. Ce sont d’assez hautes montagnes dont la cime est enveloppée de brouillards au lieu d’être couverte de neige, des lacs semés d’îles verdoyantes, de beaux arbres, de jolis bourgs, deux ou trois petites villes propres et soignées. Ajoutez à cela cette liberté complète d’aller et de venir sans qu’âme qui vive s’occupe de vous, et sans que rien rappelle cette police dont les coupables sont le prétexte, et les innocens le but. Tout cela rend toutes les courses en Angleterre une véritable jouissance. Je vis à Keswick, dans une espèce de musée, une copie de la sentence