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Je suis content de votre fils et je puis vous dire à son sujet ce qu’un de vos auteurs préférés disait du sien : « C’est un beau jeune homme qui croit en Dieu et n’a pas peur du canon. « Celui qui vous occupe si chèrement garde toute son ardeur, je devrais dire toute sa fougue, s’irritant parfois, d’une manière que je ne puis traduire, des obstacles qui le séparent de son but.

Vous comprenez, que, dans cet état de fièvre, les lectures, la musique, les aquarelles, les fusains soient l’objet d’un dédain jusqu’ici inconnu.

J’ai le vif regret de vous annoncer, madame, que mon service me sépare momentanément de lui. Je ferai tout au monde pour ne pas le perdre de vue et je vous le ramènerai fortifié par l’épreuve. Si j’ai embarqué avec un enfant, je rentrerai avec un homme. Attendez-nous, madame, dans la belle et sainte espérance.


Une aussi fâcheuse nouvelle nous troubla, mais nous préoccupa davantage. L’ainé était si nécessaire à l’autre. « Me voilà sans affection, — écrivait Robert. — Je l’aimais tout en le craignant. Sa raison m’orientait, son entrain chassait mes découragemens. Cet ami sûr et parfait sera toujours mon modèle et restera toujours mon ami. Entre cœurs comme les nôtres, l’amitié ne cesse pas. Vous ne pouvez savoir combien je me sens plus seul, plus loin, car lui c’était un peu vous. Il me faudrait une bonne bataille pour m’occuper. »


V


Camp de Tien-Tsin, 22 septembre 1860.

Le Peï-ho a été pris le 21 août.

Les Anglais et la brigade Collineau se sont dirigés sur le fort nord de Takou. Pendant ce temps, les canonnières françaises et anglaises forçaient l’entrée de la rivière, détruisant les estacades admirablement faites où l’ennemi devait, selon les Chinois, s’abîmer infailliblement.

Pendant que les canonnières les démolissaient, les troupes, prenant le fort à revers, ne tardèrent pas à déployer, sur ces forts si redoutables, les pavillons alliés. La garnison de celui