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Cendrillon de la famille ; on lui ferme l’accès du doctorat[1]. » C’étaient là des regrets furtifs ; le soupir qui les ponctuait semblait y mettre un terme ; et la disgrâce de l’histoire se prolongeait. Mais lentement, discrètement, dans une chambrette de l’université de Liège, un jeune professeur préparait la revanche de Cendrillon.

M. Godefroid Kurth, au cours d’un voyage d’Allemagne, avait observé de près l’ingénieuse façon dont l’élite des historiens d’outre-Rhin savaient associer leurs élèves à leurs fouilles et à leurs efforts critiques. Il avait pénétré dans les « séminaires » où M. Droysen faisait étudier les sources de la connaissance du XVIIe siècle, où M. Wuttke dirigeait des recherches sur le passé des Slaves, M. Brandes sur l’histoire germanique, M. Voigt sur la paléographie, M. Curtius sur la mythologie dans l’art[2]. Au demeurant, il connaissait le mécanisme de notre École pratique des Hautes Études, vaste chantier ouvert par Victor Duruy pour que les jeunes travailleurs y saisissent, sur le vif, la science en construction, et donnassent à leur tour, sans délai, leur coup d’épaule et leur coup de main. M. Godefroid Kurth estima qu’à Liège ces exemples pouvaient être imités.

Il ne demanda rien à l’État. Deux mots à un appariteur, pour qu’on lui réservât, chaque semaine, tel jour, à telle heure, une petite salle de l’université : le premier cours d’exercices historiques tenté dans une faculté de philosophie belge était crée. C’est à la suite de Liège que les diverses universités belges ont introduit sur leurs programmes certains travaux techniques d’érudition ; des mémoires, signés des meilleurs élèves, et débrouillant quelques points de détail dans le vaste mystère de l’histoire, ont depuis vingt ans fait honneur à la science belge. Pour ressaisir plus tard les débuts de cette école historique, qui promet d’être féconde, il faudra remonter jusqu’à l’initiative toute modeste, toute généreuse, absolument inoffensive pour le budget, qui, dès 1874, portait M. Godefroid Kurth à réunir autour de lui quelques jeunes hommes de ses cadets, et à leur apprendre, par la pratique, comment le passé se retrouve, s’exhume et s’étudie[3].

  1. A Godefroid Kurth, p. 171 : le mot est cité par M. le professeur Frédéricq, de l’Université de Gand, dont tout le discours est un hommage à l’initiative de M. Kurth.
  2. Kurth, Revue de l’instruction publique en Belgique, 1875, XIX, p. 88-100.
  3. A Godefroid Kurth, p. 14-31.