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Les gens aux portes vont s’asseoir.
Viens, parmi les joncs et la menthe,
Auprès de l’écluse dormante,
Ecouter les chansons du soir.

Délicatement assourdie
Et fluide, leur mélodie
S’accorde avec le jour qui meurt,
Et leur musique qui nous berce
Est infinie et plus diverse
Que les herbes des prés en fleur.

Entre les vannes, l’eau blutée
S’égoutte ; sa plainte flûtée
Monte sous l’arche du vieux pont ;
Sur les fléchissantes aigrettes
Des roseaux le chœur des rainettes
Ainsi qu’un écho leur répond.

Cris des loirs maraudeurs de pêches,
Rumeurs des brebis dans les crèches
Et des bœufs quittant l’abreuvoir,
Frissons des mouvantes ramures,
Souffle onduleux des moissons mûres ;
O discrètes chansons du soir ! ..

Là-bas encor, très loin, écoute
Ce chant d’un piéton sur la route…
La voix qui s’en va dans la nuit
Semble, en s’y perdant affaiblie,
L’adieu plein de mélancolie
D’une Eurydice qui s’enfuit.

Et voici qu’à cet instant même,
Tout au fond de mon cœur qui t’aime,
Une chanson murmure aussi :
Complainte sourde et monotone,
Disant les déclins de l’automne,
L’âge plus lourd et le souci