Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/424

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de main-d’œuvre si grandes, que tout le monde, fabricans, pêcheurs, ouvriers, y trouve son compte à la fin. Pour toutes ces raisons et quelques autres encore, les usines espagnoles et portugaises sont très supérieures aux usines françaises. Que reste-t-il donc à celles-ci ? Simplement la qualité de leurs produits.

Nulle sardine ne vaut la sardine bretonne et vendéenne ; l’exquise finesse de sa chair, l’excellence de l’huile employée dans nos usines, le mode de cuisson, jusqu’aux soins apportés à la fabrication et au sertissage des boîtes, tout conspire à faire prévaloir dans l’estime des gourmets la sardine indigène, — au moins la sardine « de luxe, » — sur la sardine d’origine étrangère. Encore faut-il, pour que nos produits gardent leur renom, qu’ils ne soient pas « adultérés. » Or, ils l’étaient trop fréquemment jusqu’ici. Des industriels peu scrupuleux n’hésitaient pas à « dépoter » les boîtes de sardines étrangères pour en « rempoter » le contenu dans les boîtes françaises. Une fraude non moins fréquente consistait à coller des étiquettes françaises sur les boîtes « blanches » (c’est-à-dire ne portant aucune mention d’origine) qui avaient passé la frontière. Le consommateur, dans les deux cas, sur la foi des boîtes ou des marques, croyait manger des sardines vendéennes ou bretonnes et, ne trouvant point qu’elles fussent supérieures aux sardines espagnoles ou portugaises, finissait par préférer ces dernières qui lui étaient livrées à bas prix.


II

La pêche de la sardine se fait sur nos côtes à l’aide de grandes barques non pontées, de sept à huit tonneaux, gréées en chasse-marée et montées généralement par cinq hommes et un mousse. Neuves, ces barques reviennent, barre en main, à 1 500 ou 2 000 fr. Grosse somme déjà : nous n’avons là cependant que le prix de la coque et des agrès, auquel il convient d’ajouter celui de la rogue et des filets spéciaux pour la sardine. Ces filets coûtent entre 60 et 80 francs pièce, et il en faut une douzaine par bord. Ce sont de grands quadrilatères longs de quinze mètres et hauts de six ou huit, la ralingue supérieure garnie de lièges, la ralingue inférieure de plombs ou de pierres qui les maintiennent verticalement dans l’eau. La dimension du tour de maille est calculée