Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/493

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étaient interdits par la loi religieuse et en fait suspensifs du culte, il n’exigeait plus du clergé qu’une simple promesse de fidélité à la constitution politique de l’État, à la constitution de l’an VIII. Un article de source officielle, inséré dans le Moniteur, vint donner à cet engagement le sens le plus large et se présenta comme une invite marquée aux vrais catholiques, aux insermentés ; on leur expliquait que l’engagement exigé d’eux ne les obligerait pas à défendre la constitution , à s’en approprier les principes, mais seulement à ne point la combattre : ce ne serait qu’un acte de soumission passive à la légalité existante.

Par ces dispositions relativement libérales, Bonaparte se détachait de son parti, se mettait en avance sur les révolutionnaires qui composaient encore le gros de son armée civile. Les fanatiques d’irréligion lui reprochèrent ses édits de tolérance. L’Institut le bouda. « Ce parti, — dit un rapport royaliste en parlant des philosophes et idéologues, — se plaint des dispositions plus douces que Bonaparte adopte pour les prêtres, et le collège des athées (l’Institut) ne les lui pardonne pas[1]... » Le Tribunat et le Corps législatif ne manquaient pas une occasion d’afficher leur incrédulité haineuse ; ils cherchaient encore moins à borner les pouvoirs du Consul qu’à rétrécir sa politique. Et jusque dans les ministères, dans les bureaux, une opposition se manifesta.

A l’Intérieur, le citoyen Beugnot, ex-député royaliste à la Législative, l’un des futurs rédacteurs de la Charte de 1814, avait obtenu auprès du ministre Lucien Bonaparte une fonction, sous un titre vague, et s’était fait une situation. Il renchérissait sur la prêtrophobie officielle. Dans un rapport, il osait blâmer l’arrêté pris d’emblée en Conseil d’État, alors que l’initiative eût dû venir du ministère : « Si le ministre eût produit l’ensemble des faits qui sont imputés aux prêtres catholiques dans les actes publics que j’ai sous les yeux, le Conseil eût reconnu que le moment n’était pas arrivé de prendre son dernier arrêté sur l’exercice des cultes[2]. » Mettre en garde le gouvernement contre les prêtres, c’est à quoi Beugnot s’applique : « Si on les flatte, ils se persuadent qu’on les craint, et dès qu’ils se croient à craindre, ils le deviennent[3]. »

  1. Archives de Chantilly.
  2. Archives nationales, papiers Beugnot, AB, XIX.
  3. Ibid.