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Quelquefois, c’était le prêtre qui, par obstination contre-révolutionnaire, refusait de retourner à l’église, préférait exercer dans un obscur réduit et se garder des airs de persécuté. Mais les autorités subalternes secondaient le zèle des préfets pour des motifs qui parfois n’avaient rien que d’humain.

L’église de village, avant que la Révolution la fermât, n’était pas seulement lieu de prière et de célébration ; elle concentrait la vie locale à l’ombre de ses frustes murailles et au-devant de son porche. C’est là qu’à jour fixe, à l’appel des cloches, les gens de l’endroit s’assemblaient endimanchés, avant la messe dominicale ou à la sortie de l’office. Ils venaient là se raconter les nouvelles, écouter les anciens, traiter de leurs affaires, former communauté. Sur la place de l’église avaient lieu les jeux, les amusemens traditionnels ; c’est là que les paysans s’attablaient au- devant des cabarets pour boire un coup ou passer le jour du repos en stations prolongées. Les petites industries locales y trouvaient leur profit ; elles se plaignent maintenant. Dans la Loire-Inférieure, un prêtre qui refuse de prendre possession de l’église est dénoncé par un agent municipal. Vérification faite, le préfet découvrait que le dénonciateur était de son état « marchand de vin, qu’il avait spéculé sur la réunion des sectaires (c’est-à-dire des catholiques) et qu’il souffrait impatiemment de voir ses espérances déjouées. » L’attentat aux croyances s’était tourné en lésion des intérêts. Aujourd’hui que dans l’Ouest le gouvernement permet que l’on jouisse des églises, le peuple trouve mauvais que certains prêtres, par esprit d’opposition, contrarient le vœu et l’intérêt communs.

En majorité, les pasteurs bretons et vendéens comprirent autrement leur devoir. Pris d’une immense compassion pour les maux de leur peuple, ils essayèrent de le soulager en se faisant apôtres de paix ; ces insoumis s’associèrent aux intentions conciliantes des Consuls et furent les meilleurs auxiliaires d’un gouvernement que leur conscience leur interdisait de reconnaître ; ils justifièrent amplement, par la sainteté de leur œuvre, la liberté qu’on leur rendait. L’Ouest en somme, par son indomptable opiniâtreté à défendre sa foi, s’était conquis un régime à part, un régime de privilège, une véritable autonomie religieuse ; sa vertu de ténacité s’était imposée même à Bonaparte. Et de façon générale il semble que le Consulat, pour régler sa conduite première à l’égard du clergé, se soit fait comme une carte