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le Pape, et qui en énoncent les conditions fondamentales.

Rentré à Paris le 2 juillet, après le premier et général enthousiasme qui salua son retour, quand ce grand feu fut un peu tombé, il se retrouva en milieu différent, dans le conflit des passions et la bataille des idées. Devant lui, le passé et le présent se disputaient la France. Son art serait de discerner dans le passé ce qui pouvait revivre et dans le présent ce qui devait nécessairement survivre, de les combiner et de les ajuster. Entre les passions, les opinions, les intérêts antagonistes, il va tirer une impérieuse moyenne, pour l’imposer à tous les Français comme règle à la fois conciliatrice et infrangible.

A Paris, en son absence, la réaction s’était accentuée, sous l’œil de gouvernans intérimaires qui avaient un peu laissé flotter les rênes. Les émigrés maintenant rentraient en foule. A Paris, ils ne prenaient plus guère la peine de se cacher : « Les uns obtiennent des surveillances à l’abri desquelles ils travaillent sans inquiétude à leurs affaires : les autres ne sont munis d’aucune garantie légale ; ils se montrent, vont, viennent, remplissent les spectacles, fréquentent les rendez-vous publics ; on en cite à peine quelques-uns arrêtés ; encore ne peuvent-ils imputer cette vexation qu’à des imprudences. D’après cela, beaucoup d’émigrés se sont faits les chevaliers de Bonaparte[1]. » Le retour des prêtres s’accélérait en même temps ; l’une après l’autre, les églises se rouvraient ; la vogue autant que la renaissance du sens religieux y poussait les foules ; on y allait par protestation contre la tyrannie rationaliste : « La philosophie perd de son crédit dans beaucoup d’esprits. Non pas que la plupart deviennent religieux, mais le règne de l’impiété a fait son temps. C’était une mode, elle est passée. On voit aujourd’hui plus d’ouvrages pour la défense de la religion qu’en faveur du système d’incrédulité, et les athées n’ont plus le haut du pavé[2]. »

Profitant de ce retour des esprits, les doctrines de reconstitution s’affirment plus hardiment. A côté de groupemens qui en font matière à dissertation et à littérature, l’enseignement religieux tend à se reformer. Voici un signe des temps. Un matin, sur les murs de Paris encore bariolés d’emblèmes révolutionnaires, des affiches s’apposent, annonçant la réouverture de

  1. Lettre de Mme d’Anjou, correspondante à Paris de Louis XVIII et du comte d’Avaray, 11 juillet 1800. Documens inédits.
  2. Lettre de Mme d’Anjou, 11 juillet 1800.