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diplomatique ne pourrait manquer de la réaliser ; nous nous croyons fondés à vous assurer que l’on trouvera dans le clergé assermenté toutes les facilités que l’on peut attendre d’un dévouement habituel[1]. »


IV

En somme, ce qu’il fallait à Bonaparte et ce qu’il fallait à la France, c’était un clergé pacifié, ramené à l’unité, rigoureusement catholique et par cela même non suspect aux populations, mais sincèrement rallié ou résigné aux institutions nouvelles. Ce ralliement, le gouvernement ne pouvait à lui seul l’opérer. Vis-à-vis des récalcitrans, il multipliait, variait et épuisait ses moyens ; dans certains départemens, on les emprisonnait encore, sans lasser leur constance ; ailleurs, on les expulsait ; ailleurs, les préfets leur adressaient de pathétiques exhortations ou bien argumentaient, subtilisaient, tâchaient de convaincre ; le préfet de la Loire avait entamé avec ses prêtres une véritable « discussion théologique. » Les raisonnemens ne réussissaient pas mieux que les rigueurs et les menaces. Au bout de ces efforts, on se heurtait toujours à l’inaccessible, au for intérieur, à l’inviolable arcane, où l’action temporelle rencontre et sent sa limite. En réalité, il ne dépendait d’aucun pouvoir purement humain, fût-ce le victorieux Consulat, de résoudre le grand cas de conscience qui s’était élevé entre l’Église et la Révolution.

Voilà ce que le bon sens de Bonaparte lui fit clairement discerner. Son mérite fut de dégager la solution nécessaire, telle qu’elle était incluse dans les circonstances, et de l’extraire hardiment, alors que les révolutionnaires ne voulaient et que les autres osaient à peine y penser. Il comprit qu’avec son génie et sa puissance, avec ses glorieuses armées, ses généraux, ses préfets, ses juges, ses commissaires, ses gendarmes, il n’arriverait pas cependant à discipliner et à enrégimenter les consciences. Pour se les concilier, il reconnut le besoin d’un médiateur spirituel, d’un coopérateur dont la voix prévaudrait par-dessus le tumulte des dissidences. Et l’impérieux despote s’en fut vers le blanc pontife, vers celui qui dans Rome ne disposait d’aucune force matérielle, mais qui avait reçu pouvoir ici-bas délier et de

  1. Archives nationales, Fic, III.