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qu’il y a de plus pur, de plus élevé et de plus indépendant des partis dans le libéralisme. La liberté, toute la liberté, la liberté pour tout le monde, tel fut le programme des fondations du journal, programme auquel il est resté invariablement fidèle à travers les difficultés que lui suscitaient les luttes des partis et leur mutuelle intolérance. Ses statuts ne lui permettent même pas une autre ligne de conduite. Partout où un principe de liberté politique, civile ou religieuse, est menacé, il est tenu de se porter à sa défense, comme le lui prescrivent ceux qui l’ont créé, delà explique pourquoi ce grand organe, qu’on a quelquefois représenté bien à tort comme un journal protestant, se tient absolument en dehors des luttes confessionnelles. S’il entend que les protestans, les Israélites et les esprits affranchis de tout dogme soient libres, il entend que les catholiques le soient aussi, qu’aucune atteinte ne soit portée à l’exercice de leur culte. Sous le second Empire, il défendait la société de Saint-Vincent-de-Paul tracassée par le pouvoir, comme il défend aujourd’hui en toute circonstance l’Église catholique contre les violences des sectaires.

A l’époque où le Temps fut fondé, en 1861, il n’était pas permis d’afficher dans la presse des opinions républicaines. On ne prononçait donc pas le mot défendu. Mais on insistait chaque jour sur la nécessité, dans l’intérêt même du gouvernement, d’instituer un contrôle permanent de ses actes ; on rappelait volontiers la parole célèbre qui promettait la liberté comme le couronnement de l’édifice impérial.

La République ne pouvait être une surprise pour de tels esprits. Ils ne savaient pas de quelle cause elle sortirait, mais ils la prévoyaient de longue date, ils la considéraient comme la conséquence inévitable du suffrage universel. Malgré sa brusquerie, la journée du 4 septembre 1870 ne les étonna pas outre mesure. A l’angoisse que leur causait la défaite de nos armées se mêlait chez eux un sentiment de délivrance. Comment auraient-ils regretté un gouvernement qui ne leur inspirait aucune confiance, dont ils n’attendaient rien de bon pour leur pays et qui venait de justifier leurs appréhensions par la faillite de sa politique ? Ils ne s’attardèrent même pas aux récriminations et, très franchement, très résolument ils travaillèrent à faire accepter par tous le régime nouveau. La République avait l’avantage de substituer au pouvoir personnel la libre discussion des affaires publiques. Avec elle, on ne serait pas menacé des surprises que