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A vieillir en tout cas, ces tableaux perdaient beaucoup ; i on en voit vendre d’occasion, aux XVe et XVIe siècles, dont l’un représente : « Un homme et une femme sauvage avec plusieurs enfans nus et de la verdure, » l’autre « Loth et ses deux filles, » ou encore un lansquenet, un Saint Hubert, une « femme nue tenant une tête de mort, » etc. Tout cela se négocie pour 3, 5 et 7 francs. Les vitraux étaient plus chers que la peinture ; ce qui s’explique par le prix de la matière et par le sertissage compliqué de cette mosaïque de verres colorés en pâte ou émaillés au feu : une verrière de la cathédrale de Troyes, représentant la Résurrection, se paie 462 francs (1379) ; une autre en Bretagne, à Fougères (1416), ne coûte que 116 francs.

Outre les tableaux de sainteté sur bois ou sur toile, les fresques murales des châteaux et des églises, il était une sorte de peinture dont le moyen âge fit une consommation prodigieuse : celle des armoiries sur panonceaux, écussons, cottes d’armes, bannières, guidons, étendards, couvertures même et housses de cheval. Il en fallait pour les cérémonies de paix et de guerre, pour les costumes et pour les monumens. Les villes, les seigneurs en commandaient par douzaines et, comme leur prix variait de un à dix francs suivant la dimension et le fini du travail, il devait être plus lucratif pour les maîtres d’alors de peindre ces attributs que des figures.


IV

De sorte que l’artiste de talent moyen était pécuniairement plus près de l’artisan qu’il ne l’est de nos jours. Et non seulement entre l’artisan et l’artiste médiocre, mais aussi entre ce dernier et le maître le plus illustre, il y avait moins de distance jadis qu’il n’y en a maintenant. Je n’ai pas la prétention de le démontrer par une statistique. Rien ne se prête moins à la statistique que des œuvres, dont la valeur changeante dépend exclusivement du goût et de la mode, aussi bien du vivant de l’artiste qu’après sa mort ; puisque les tableaux de Raphaël lui rapportèrent, avons-nous dit, de 600 à 6 000 francs chacun, tandis que ceux d’Albert Dürer, à l’exception d’un ou deux, lui furent payés de 70 à 700 francs.

Ces derniers renchérirent assez vite d’ailleurs, après la mort de leurs auteurs, pour qu’il s’établît, dès le XVIe siècle, une fabrique