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la collection Roseberry en 1882 pour 52 500 francs, n’était encore vendue en 1802 que 6 800 francs.

Nos Rubens du Louvre, les 21 tableaux exécutés de 1622 à 1625 pour Marie de Médicis, ressortirent à 5 800 francs chacun. Le roi d’Espagne traita à meilleur marché, — 3 200 francs, — pour chacun des 19 tableaux destinés par lui à l’un de ses châteaux. Mais Rubens avait une facilité de production extraordinaire : lorsqu’il vint à Madrid (1628), au faîte des grandeurs, chargé d’une mission diplomatique relative à la conclusion de la paix entre l’Angleterre et l’Espagne, il fit en neuf mois de séjour, sous les yeux de Velazquez émerveillé, cinq portraits du Roi, dont un équestre, ceux de la Reine et de plusieurs infans et infantes, cinq ou six portraits de particuliers, copia dix tableaux de Titien et exécuta une Conception de 2 mètres et un Saint Jean, grandeur nature, tout en négociant le traité... qui d’ailleurs n’aboutit pas. On sait que beaucoup de « Rubens » ne sont que des travaux d’élèves, retouchés par le maître, que d’autres sont des esquisses légèrement faites. C’est ce qui rend intelligible le total de 1 500 œuvres laissées par lui.

Van Dyck n’était pas moins fécond. Le nombre de ses portraits est infini ; il lui arriva, dit-on, d’en faire plusieurs dans une journée. Mais son pinceau était moins prisé que celui de Rubens : le portrait de Charles Ier, que nous possédons au Louvre, lui fut payé 2 500 francs ; le Golgotha, au musée de Gand, 1 440 fr., Jésus sur la Croix, à la cathédrale de Malines, 1 080 francs. Rembrandt, qui mourut pauvre bien qu’il eût beaucoup gagné pendant une partie de sa vie, vendait 2 250 francs ses portraits de dimensions moyennes, et son tableau le plus lucratif, la fameuse Ronde de nuit, fut vendu 7 200 francs.

Velazquez, dont l’œuvre fut numériquement beaucoup moindre, — un peu plus de cent tableaux authentiques, il en est beaucoup de faux dans les galeries publiques et privées, — n’ayant guère travaillé que pour l’Espagne et son souverain, dut, faute de concurrence des amateurs, se contenter d’honoraires très inférieurs. La somme de 700 francs touchée par lui (1629) pour les Buveurs, primitivement appelés le Bacchus, est le prix normal de ses meilleures compositions. Il vécut de ses places à la Cour, d’abord huissier de la Chambre à 200 francs par mois, logé, vêtu en partie par la distribution des « habits de merci. » Il recevait sa part de costumes ainsi que les barbiers et les bouffons, dont il