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ainsi à 1 430 francs chacune. Les contrats successifs que Buonarotti passa avec Jules II et ses héritiers au sujet du mausolée de ce pape qu’il n’acheva jamais, nous font connaître le prix convenu pour le Moïse. Cette œuvre immortelle fut payée 22 150 francs.

Nos sculpteurs français n’eurent jamais autant pour leurs bronzes ni pour leurs marbres. Au moyen âge, le prix d’une statue d’albâtre (1312) représentant un chevalier couché, revêtu de son armure avec un lion à ses pieds et deux anges à ses côtés, coûtait 8 200 francs ; mais nous ne savons quelle était là-dessus la part de la main-d’œuvre ; pas plus que sur le tombeau en marbre de Robert d’Artois, dans l’église des Cordeliers de Paris, dont le prix fut de 26 000 francs pour la sculpture et de 2 400 francs ! pour la peinture. Les statues de pierre nous renseignent davantage sur le bénéfice de leurs auteurs ; la matière ici n’est pas onéreuse : on achète 18 francs la pierre destinée, dans une église de Normandie, à une statue de Sainte-Anne, dont la sculpture et la peinture montent à 150 francs. Depuis le XIVe siècle jusqu’au XVIIIe, ces honoraires peuvent être regardés comme une moyenne.

Ils ne sont guère dépassés qu’en de grandes villes : pour un Saint Nicolas, à Orléans, 185 francs ; pour un Saint André dans la cathédrale de Troyes 165 francs. La « taille » d’une Madeleine, assise au pied d’un crucifix déjà existant, ne vaut que 126 francs et il se trouve, surtout au XVIe siècle, nombre de « figures » et d’ « images » en pierre à 80 et même à 65 francs ; tel un Saint Michel à Mézières (1534). À Chartres, la façon d’une statue de marbre, grandeur nature, vaut de 1 200 francs à 4 000, mais le buste d’un bourgeois ne vaut que 240 francs à Lyon (1658). Rapprochés de ces chiffres, le prix de la statue équestre de Louis XIV en bronze, exécutée à Dijon par Lehongre d’après les desseins de Mansard, — 311 000 francs, — celui surtout de la statue d’Henri IV sur le Pont-Neuf, — 464 000 au dire de Bassompierre (?) — paraissent extraordinairement élevés. De même qu’aux malades d’alors les drogues coûtaient plus cher que le médecin, il semble bien qu’en sculpture la matière était plus chère que de nos jours, tandis que la pensée était meilleur marché. Aujourd’hui le cuivre a baissé, l’artiste a haussé.

Coysevox, en 1705, avait 670 francs de gages et 13 400 francs de pension ; Coustou et Girardon touchaient les même gages et 6 700 francs seulement de pension. De plus, il leur était verse