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Mais il est aisé de la reconstituer : « Je suis enchanté, mandait-il, le même jour, à Fauche-Borel, que M. le comte de Maistre fasse une deuxième édition de son excellent ouvrage. Je prends occasion de là pour lui écrire une lettre que je vous prie de lui faire passer. Ce sont quelques observations sur des faits qu’il ne pouvait connaître. Peut-être l’engageront-elles à faire un changement dans le corps de l’ouvrage ou du moins à y ajouter un post-scriptum. Je vous prie donc, si cela est en votre pouvoir, ou de suspendre l’impression ou d’en retarder la distribution jusqu’à ce que vous ayez reçu de lui un nouvel avis. Je vous prie surtout de faire en sorte que l’ouvrage soit répandu en France avec profusion. Je voudrais qu’il pût pénétrer jusqu’à l’Océan et aux frontières méridionales. C’est le meilleur qui ait été fait depuis la Révolution et je crois pouvoir dire le meilleur de ceux qui se feront par la suite. »

Avant de reproduire la réponse de Joseph de Maistre à la lettre de d’Avaray, il convient de rappeler les faits auxquels celui-ci, parlant au nom de Louis XVIII, faisait allusion. En 1793, avait paru à Neuchâtel sous ce titre : Développement des principes fondamentaux de la Monarchie française un petit livre, sans signature, consacré à un examen apologétique de l’antique Constitution du royaume. Il était l’œuvre de magistrats émigrés, membres des anciens parlemens. Il avait été rédigé par l’un d’eux, le président Jannon, avec le visible souci de n’exprimer aucune opinion qui ne fût conforme à celle des princes. Il n’en provoqua pas moins, dans leur entourage, des discussions passionnées. On reprochait à ses auteurs, d’avoir, en interprétant les dispositions de la Constitution monarchique, base de l’ancien régime, fait la part trop large aux Parlemens, réduit le rôle des Etats généraux à des doléances et, en un mot, « d’avoir élevé la magistrature au-dessus de la nation. » Les princes s’étaient associés à ces critiques. Lorsque l’ouvrage avait paru, mécontens de sa publication, bien qu’il n’eût été tiré qu’à cent ou cent cinquante exemplaires, ils l’avaient désapprouvé. Joseph de Maistre ignorait ces circonstances et croyant lire dans cet opuscule la véritable pensée du Roi, il s’en était inspiré pour rédiger le chapitre VIII de son livre, où il en avait reproduit de nombreux extraits. Sa réponse à d’Avaray nous prouve que c’est sur ce point que portaient les observations du porte-paroles de Louis XVIII.