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de ma lettre. Je profite de son offre obligeante pour vous accuser la réception de votre lettre du 30 décembre, fidèlement transmise par le correspondant de Lausanne.

« Rien n’est plus vrai, monsieur le comte : le mieux souvent est l’ennemi du bien. Il aurait fallu faire mettre votre lettre dans un bureau suisse. M. Plenti a tout gâté. J’ignore comment il s’y est pris pour faire ce beau chef-d’œuvre ; mais ce n’est qu’un malheur. Si j’avais connu ce correspondant, je vous l’aurais indiqué moi-même. Cette aventure était écrite comme tant d’autres. N’en parlons plus.

« L’ouvrage dont j’espérais un meilleur succès a pénétré à Paris et même à Londres. Je m’attends à un nouvel éclat. Il me paraît impossible que je ne sois pas incessamment exécuté en effigie dans la Décade philosophique[1] ou quelque autre papier du même acabit. Je suis d’avance parfaitement consolé. La nouvelle édition gît tout entière dans un magasin en attendant des circonstances plus heureuses. Au surplus, monsieur le comte, je suis poursuivi par le démon de l’incorrection. Un morceau ajouté au sujet de quelques reproches bêles qu’on fait au Roi, s’est trouvé si estropié à l’impression que je n’ai pu m’empêcher d’y voir plus que de la distraction, du moins de la part du correcteur. Si quelque coup de vent porte jusqu’à vous cette nouvelle édition, je vous prie, monsieur le comte, de vouloir bien corriger, avant de lire, les fautes étranges dont vous trouverez la note ci-jointe avec celle de quelques autres moins importantes.

« Me permettrez-vous un épanchement ? Rien ne m’a scandalisé dans ma vie comme ces Français du bon parti (à ce qu’ils disent) que j’ai entendus si souvent soutenir thèse contre le Roi, et critiquer ses démarches. — Plaisans royalistes ! J’aime mieux les Jacobins. Si le Roi dans telle ou telle circonstance a fait précisément tout ce qu’il y avait à faire, il est assez curieux qu’on s’avise de le critiquer : et si, dans la carrière la plus épineuse qu’il soit possible de parcourir, il lui arrive de se tromper, l’indulgence, dans ce cas, n’est-elle pas un devoir strict et sacré ? Et de quel droit refuserions-nous à nos souverains celle dont nous avons besoin tous les jours dans les circonstances les plus ordinaires ? etc. Je m’en suis tenu, à peu de chose près, à ces généralités. J’aurais mieux dit peut-être si j’avais eu l’honneur d’être

  1. Ce recueil qui paraissait trois fois par mois, avait été fondé sous la Révolution par Ginguené pour défendre les idées républicaines modérées. Il disparut en 1807.