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porcs et des bœufs. Ainsi tout acte, toute tendance politique contraire aux volontés du gouvernement de Vienne pouvait avoir pour répercussion immédiate des représailles économiques auxquelles la Serbie n’était pas en état de résister. La « guerre des porcs « était le moyen pratique dont se servait la politique autrichienne pour maintenir en tutelle le royaume des Obrenovitch ; elle ne permettait à la Serbie qu’une demi-autonomie, elle la considérait presque comme un pays vassal de la monarchie des Habsbourg. Tous les ressorts du gouvernement serbe étaient aux mains des agens autrichiens ; ses actes étaient directement suggérés par le Ballplatz. C’est l’Autriche qui, en 1885, poussa la Serbie à entreprendre cette guerre contre les Bulgares qui a créé entre les deux peuples un antagonisme si déplorable ; c’est elle aussi qui, après la défaite, arrêta les vainqueurs. Les rois ne régnaient, les ministres ne gouvernaient qu’avec la permission et selon les intérêts de l’Autriche ; par l’argent ou par la crainte, ses agens faisaient la loi aux partis politiques ; ils tenaient tous les fils du gouvernement ; ils avaient la main dans les intrigues qui mettaient aux prises les partisans des Obrenovitch et ceux des Karageorgevitch ; ils savaient adroitement tenir en bride les velléités d’indépendance de l’une des dynasties en la menaçant de l’autre, susciter les fils contre les pères, renverser les ministres ; les partis vaincus trouvaient en Autriche un secours, les rois détrônés un asile, les condamnés politiques un refuge : ainsi se prolongeait une anarchie qui paralysait le développement du pays, mais dont les intérêts autrichiens profitaient.

L’esprit souple et le caractère peu scrupuleux du roi Milan s’accommodaient sans répugnance d’une dépendance qui lui assurait à lui-même la joie de vivre et le plaisir de régner ; il se faisait volontiers le ministre des volontés du gouvernement austro-hongrois. Il paraît certain qu’une convention secrète fut signée en 1882 par laquelle l’Autriche-Hongrie lui garantissait son royaume et sa dynastie, et obtenait, en retour, pour ses troupes, l’autorisation d’emprunter le territoire serbe pour aller, si l’occasion s’en présentait, « remettre l’ordre » en Macédoine et à Salonique. Les velléités d’indépendance du jeune roi Alexandre ne furent étrangères ni au retour du roi Milan en 1898, ni à la tragédie du 11 juin 1903. Le roi Pierre Ier est monté sur le trône avec l’agrément et l’appui du gouvernement de Vienne, mais ce n’est pas sans intentions éventuelles que l’on