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III

Le traité de commerce austro-serbe étant venu à échéance avec l’année 1905, M. Pachitch et ses collègues, depuis leur arrivée au pouvoir, se préoccupaient d’en préparer le renouvellement ; mais ils étaient résolus en même temps à affranchir leur pays, dans la césure où ils le pourraient, de la tutelle de l’Autriche et de la Hongrie. Politique « radicale, » en Serbie, signifie, à l’intérieur, gouvernement constitutionnel et relèvement économique, à l’extérieur indépendance vis-à-vis de Vienne et de Budapest, encouragemens à tous les Serbes qui vivent hors du royaume, tendance à un rapprochement entre tous les pays de langue et de race slave. Discrètement, au cours de l’année dernière, commença une campagne diplomatique destinée à chercher en Europe des appuis pour échapper à l’étreinte économique et politique du voisin austro-hongrois.

C’est à Sofia, d’abord, que les hommes d’Etat de Belgrade trouvèrent de l’écho et, en décembre 1903, l’Europe apprenait que le principe d’une union douanière entre la Bulgarie et la Serbie venait d’être arrêté d’un commun accord : la nouvelle n’était pas faite pour plaire en Autriche. La formation d’une alliance intime entre les trois États slaves des Balkans : Bulgarie, Serbie, Monténégro, serait mal vue à Vienne parce qu’elle créerait, au Sud-du Danube et de la Save, une masse capable de faire contrepoids à l’influence autrichienne dans les Balkans et obstacle à la poussée germanique vers la mer Égée. À cette manifestation d’entente slave, l’Autriche riposta par une note où elle se déclarait résolue à ne pas renouveler le traité de commerce et à fermer sa frontière aux produits serbes si l’union douanière avec la Bulgarie devenait un fait accompli. M. Pachitch répondit avec le calme, la déférence et la fermeté d’un homme décidé à rester conciliant jusqu’au bout, mais sûr de son droit et résolu à le défendre. Au Ballplatz, on pensa que cette attitude méritait une leçon. En juin, la rupture économique était consommée, la frontière fermée au bétail et aux denrées agricoles serbes ; toutefois, les négociations pour le renouvellement du traité de commerce n’étaient pas rompues ; on les laissait traîner en longueur et l’on attendait avec confiance l’heure où la mévente du bétail, des porcs et des blés ramènerait la Serbie pénitente