Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/656

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

austro-hongrois pendant la période de rupture : le prince de Bülow trouvait l’occasion de rendre à l’Autriche l’appui qu’il avait reçu d’elle à la Conférence d’Algésiras, et il s’empressait de la saisir. La France n’avait pas les mêmes raisons de s’abstenir ; une attitude de bienveillance et.de sympathie vis-à-vis des petits États balkaniques a toujours été dans les traditions de sa politique ; elle pouvait, cette fois, sur ce libre terrain d’une loyale concurrence économique, venir en aide à la Serbie sans compromettre les bonnes relations qu’elle entretient avec l’Autriche-Hongrie. Avec beaucoup d’à-propos, M. Georges Benoit, comme ministre de France à Belgrade, et M. Roger Clausse, comme chargé d’affaires, saisirent l’occasion de développer nos échanges et notre influence en Serbie ; une grande maison de Bordeaux, la maison Bigeon, conclut avec la « Société anonyme des abattoirs de Belgrade » un traité par lequel elle s’engage à acheter, par an, 160 000 porcs abattus, c’est-à-dire plus que la production annuelle de la Serbie qui n’a guère dépassé jusqu’à présent 150 000 têtes. Les installations de la Société des abattoirs de Belgrade, tout à fait perfectionnées, peuvent soutenir la comparaison avec les plus modernes établissemens d’Amérique ; de toutes les provinces de la Serbie, les troupeaux grognans des cochons velus comme des sangliers, s’acheminent vers l’immense hôtellerie de la mort ; ils y attendent, dans de vastes boxes, la visite du vétérinaire qui, enfonçant sa main dans leur gueule ouverte, au milieu de quels cris ! cherche, au fond de la gorge, les granulations caractéristiques de la maladie et sépare les animaux ladres de leurs congénères bien portans ; l’engraissement s’achève là, et le manque d’appétit est une condamnation à mort : dès que le porc manifeste moins d’empressement à manger, on le pousse dans le couloir ascendant au haut duquel un crochet l’enlève par une patte de derrière, tandis qu’un couteau lui ouvre la gorge ; fendus en deux, dépecés, salés dans des frigorifiques, les porcs sont mis en caisses et expédiés vers Varna ou Salonique, d’où ils viennent faire concurrence, en France et en Angleterre, aux lards et aux jambons américains. Moyennant la garantie d’une certaine quantité de fret annuel, la compagnie marseillaise Fraissinet s’est engagée à envoyer régulièrement ses navires à Braïla pour y prendre les marchandises serbes apportées par la Compagnie roumaine de navigation sur le Danube, à Varna et à Salonique, pour y charger les caisses de