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Mlle Divoire, a raconté en une quinzaine de pages[1], sous la forme très vivante de lettres échangées entre plusieurs amies, au prix de quelles peines elle réussit dans son entreprise. Elle s’adresse donc à ses amies, et bien qu’elle les croie assez pareilles à elle-même, elle ne peut s’empêcher d’être fort craintive, en leur annonçant son projet : fonder un cercle d’études sociales pour jeunes filles. Elle sent bien que ce titre sévère va les épouvanter. Mais, pour calmer cette épouvante, elle propose un exemple, un modèle. Déjà il existe dans une grande ville de l’Est un de ces cercles. Dans cette ville, une femme qui vivait en rapports continuels avec la classe des travailleurs, et désolée que la condition des ouvrières fût si pleine de dangers, voulut en réunir quelques-unes d’abord pour les relever moralement et pour les charger ensuite du relèvement moral de leurs camarades. Elle fit part de ce dessein à une autre femme, qui, elle, fréquentait surtout des jeunes filles riches ou aisées. Le groupe fut constitué : il comprenait des ouvrières, des employées, des institutrices, et des jeunes filles du monde. On commença par des causeries un peu sérieuses : la timidité des premiers jours s’évanouit ; les unes questionnaient, présentaient des objections, demandaient des explications, les autres répondaient. Enfin, en février 1905, on put organiser définitivement un vrai Cercle d’études. On détermina la méthode de travail, on fixa la liste des sujets qu’on étudierait : les syndicats ouvriers, l’hygiène, le repos hebdomadaire, la ligue sociale d’acheteurs, l’esprit démocratique, le mouvement féministe, les patronages de jeunes filles. Les jeunes filles, — elles étaient dix-huit, — se renseignaient dans l’intervalle des séances par des enquêtes, interrogeant soit le secrétaire d’un syndicat, soit une directrice d’école ménagère, soit des employées de magasins.

Voilà ce que d’autres ont pu réaliser. Et Mme Divoire, quand elle a exposé le fonctionnement de ce cercle, attend avec un peu plus d’espoir les réponses de ses amies. Les réponses ne tardent pas. L’une, qui se couche tard, se lève tard, fait des visites et danse, ne conçoit comme devoirs de société que les devoirs mondains. L’autre n’a pas davantage le temps : sa mère et sa grand’mère ne pensent qu’à la marier, et les deux prétendans entre lesquels elle hésite n’aiment pas que les femmes s’occupent d’œuvres sociales. Quant à la troisième, son père n’aime pas les formes

  1. Françaises, p. 103 ; Un Cercle d’études, par Jeanne Divoire. Lecoffre.