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Si Ramus accomplit œuvre utile en faisant passer dans l’usage la distinction, par des signes différens, entre les deux prononciations, des lettres qui jouent à la fois le rôle de voyelle et le rôle de consonne, telles que l’i ancien, dédoublé en i et j, et l’u ancien, dédoublé en u et v, par contre, les grands imprimeurs du XVIe siècle, Robert Estienne, en particulier, dans son Dictionnaire de 1540, eurent, par l’introduction des lettres parasites, une fâcheuse initiative, vainement combattue par les poètes Ronsard et Du Bellay. Ces derniers réclamaient la liberté de varier l’orthographe, suivant la rime et le nombre de syllabes que le vers comporte. D’après le premier, dans son Abrégé de l’Art poétique, il est écrit :

« Tu diras selon la contrainte du vers :

« Or et ore, adoncq et adoncque, avecq et avecques, etc. »

Ces licences poétiques étaient réclamées en vue de la rime, du nombre des syllabes, des hiatus, et des liaisons que l’on désirait éviter, ou rendre plus faciles ; elles subsistent d’ailleurs, même de notre temps, pour un certain nombre de mots.

Cependant, la langue, ainsi façonnée artificiellement, avait déjà été modifiée par une certaine réaction, lorsque au XVIIe siècle fut fondée l’Académie Française. L’autorité toute morale de celle-ci fut acceptée peu à peu, sans coaction administrative ou autre, d’aucun genre, à la suite de la publication de son Dictionnaire en 1694. Les éditions et révisions successives de ce Dictionnaire signalèrent bien des réformes modérées : les unes, conformes à des usages déjà courans, les autres acceptées presque aussitôt.

C’est ce qui arriva, notamment en 1718, en 1740, en 1762, époque où d’Olivet réforma 5 000 mots. Je n’y insisterai pas, M. Faguet ayant donné dans un écrit récent l’indication détaillée de ces réformes académiques successives, toujours opérées à l’amiable, et adoptées par le consentement général ; lequel, je le répète, avait précédé dans cette voie les indications du Dictionnaire.

Au XIXe siècle, une période nouvelle s’est ouverte, par suite de l’organisation administrative de l’Instruction publique, surtout dans ses degrés primaire et secondaire. Déjà d’ailleurs, au XVIIIe siècle, l’orthographe avait commencé à être fixée plus étroitement, parce que le français était devenu la langue usuelle de la diplomatie et des accords internationaux : conséquence