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Pour nous borner à un seul exemple tiré d’un mot courant, le mot moi est prononcé, moi, moa, moué, suivant la région.

Ces diversités sont surtout frappantes pour les personnes qui n’ont pas quitté leur canton natal ; les hommes cultivés eux-mêmes, — quoique assouplis et uniformisés par leur éducation scolaire, et par leur contact réciproque dans les assemblées, conseils, milieux officiels, — conservent pour la plupart des traces de leur origine. L’accent et le ton des orateurs deviennent surtout manifestes dans leurs discours publics, et l’on saisit d’autres nuances dans les conversations familières. Ces diversités sont telles que les personnes exercées reconnaissent aussitôt la province native de celui qui parle. A fortiori en est-il de même du français prononcé par des étrangers, Anglais, Allemands, Italiens, qui y apportent chacun leurs tonalités et habitudes nationales de prononciation. C’est là d’ailleurs une remarque que les membres de ces nations appliquent réciproquement aux Français qui parlent des langues étrangères. Je dirai plus : chacun de nous reconnaît la voix des personnes qui lui sont familières, ce qui montre l’étendue illimitée des sons et des prononciations individuelles.

Voilà pourquoi, dans la pensée de se mettre à l’abri des différences d’appréciation, les commissions officielles ont proposé, au cours de ces derniers temps, de constituer un dictionnaire-type, inscrivant à côté des mots, — fixée sur une orthographe ancienne, ou rectifiée d’après la nouvelle réforme, — leur prononciation actuelle. On prendrait, a-t-on dit, comme base actuelle, la prononciation moyenne, réputée bien-constatée par des observateurs choisis, telle qu’elle est pratiquée par les gens d’une éducation suffisante dans les parties voisines de l’ancienne Ile-de-France. Mais ce système est bien fragile, le système des locutions moyennes n’étant guère acceptable. En effet, pour peu que l’on s’en rapporte à l’observation, il est facile de constater que le phonétisme empirique ne saurait être jugé avec une certitude suffisante, par un même observateur, d’après l’audition des mêmes mots, prononcés par des Français de différentes régions. A fortiori, si l’on comparait les sensations de différens observateurs, et à différentes époques, durant le cours des siècles.

Il existe des exemples trop nombreux et trop connus de ces variations historiques, pour les rappeler ici en détail. Bornons-nous