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anciennes. Un passage de la canzone de Pétrarque : Spirto gentil che quelle membra reggi, le hantait ; celui qui dit :


Sopra il monte Tarpeo, canzon, vedrai
Un cavalier ch’Italia lutta onora,
Pensoso più d’altrui che di se stesso.


Ce cavalier, honoré de toute l’Italie, qu’apercevait sur le mont Tarpéien le génie divinement prophétique du poète, point de doute, c’était lui, messer Stefano ! Dès lors, plus de retenue. Il se découvre si maladroitement que le Pape le confine à Bologne. Mais le cavalier l’attire dans ses pas ! Il va et vient, en courses rapides, de Bologne à Rome. Croyant enfin le destin propice, il ordonne un splendide banquet, où il invite tous ses complices et leurs amis. Lorsqu’ils sont à table, le dîner servi, il paraît. Il paraît vêtu de drap d’or, chargé de colliers et d’ornemens, afin de « se donner majesté et réputation. » Il embrasse les convives, et entame une longue harangue, toute pleine des mots magiques, des mots antiques de « vertu » et de « gloire. » Naturellement, il n’avait pas achevé sa péroraison que le Souverain Pontife était averti. Cette nuit même, messer Stefano Porcari et la plupart de ses complices furent arrêtés, et, plus tard, livrés au bourreau. « Telle fut, écrit Machiavel, la fin qu’eut son dessein ; et vraiment son intention peut être louée de quelqu’un, mais son jugement sera, de chacun, toujours blâmé. » C’est, en effet, puéril, et, si l’on le veut, c’est un complot de théâtre ; mais le banquet, le baiser, le décor, le costume, les présages ou la prédiction, la vertu, la gloire, tout y est : c’est la première des conjurations réellement littéraires, humanistes et classiques.

De cette sorte de conjuration, les deux parfaits modèles demeurent la conspiration de Lampognano, Visconti et Olgiato contre Galeazzo Sforza, à Milan, en 1476, et la conspiration de Pietro Paolo Boscoli contre les Médicis, à Florence, en 1513. Sous le règne du duc Galeazzo, il y avait à Milan un rhéteur, du nom de Cola Montano ou de Montani, « homme lettré et ambitieux, » qui enseignait la langue latine aux jeunes gens des premières familles de cette cité. Ce Cola, soit qu’il eût en haine la vie et les manières du duc, soit qu’un autre motif le guidât en tous ses raisonnemens, détestait de vivre sous un prince qui n’était pas bon, appelant glorieux et heureux ceux à qui la nature et la fortune avaient accordé de naître et de vivre dans une république,