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V

Dans une très intéressante brochure[1], parue en 1904, et intitulée la Bataille de Fontenoy, un ancien professeur de Lille, M. A. Butin, constate qu’en 1902, M. Frank Sullivan de San Francisco a fait dresser, sur une des faces du nouveau cimetière de Fontenoy, une plaque de marbre blanc, marquée aux armes d’Irlande, et portant, en anglais et en français, l’inscription suivante :


A LA MÉMOIRE DES HÉROÏQUES SOLDATS IRLANDAIS
QUI CHANGÈRENT UNE DÉFAITE EN VICTOIRE, A FONTENOY, LE 11 MAI 1745.
DIEU SAUVE L’IRLANDE !


M. Butin croit devoir mettre en garde contre la conclusion qui pourrait être tirée de cette inscription. Tout en se conduisant vaillamment, très vaillamment, à Fontenoy, comme sur tant d’autres champs de bataille, la brigade irlandaise n’a pas rétabli et terminé, à elle seule, la bataille, comme paraît le croire M. Frank Sullivan.

Pour le montrer, M. Butin s’appuie sur la plupart des études parues sur Fontenoy, et tout particulièrement sur l’œuvre du duc de Broglie, dont je viens d’essayer de rappeler le charme et l’autorité.

Le duc de Broglie cite bien la lettre que le comte de Lowendal, le chef de la brigade irlandaise pendant la charge finale, écrivit à sa femme le soir de la bataille :

« Je suis jaloux, ma chère Isabelska, du Roi mon maître, de ce qu’il a pu écrire à sa femme sur un tambour, en plein champ de bataille, de la victoire que nous venons de remporter sur les ennemis. Je ne le fais qu’au retour dans ma cellule. Le bon Dieu te conserve ton Waldemar, mais que ne lui dois-je pas ? La bataille était perdue, tout le monde fuyait, le bon Dieu m’a inspiré de me mettre à la tête de la brigade irlandaise et des gardes françaises que j’avais ralliés : nous avons pris l’ennemi en flanc ; je le renverse, le pousse au-delà du champ de bataille. Le Roi

  1. La bataille de Fontenoy et l’inscription commémorative de 1902, par A. Butin, 1904. Lille ; Lefebvre-Ducrocq.