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à l’œuvre scolaire n’ait pas été ni du côté de l’Etat, ni chez les défenseurs de l’école libre, absolument désintéressée. C’est bien pour l’enfant du peuple qu’on a dépensé sans compter deniers publics et deniers privés ; c’est bien lui qui en a le profit immédiat. Mais il peut largement payer toutes ces peines, car il est l’avenir, et l’on estime, de part et d’autre, qu’en travaillant pour lui, c’est en sa personne l’avenir même qu’on s’assure.

Voilà ce qui a été fait pour l’enfant normal et sain. L’effort n’a pas été moindre en faveur de l’enfant abandonné ou coupable.

L’abandon physique ou moral, délaissement matériel ou abominable exemple d’inconduite, menace la société d’un tel péril qu’il a très vite ligué contre lui toutes les forces de résistance et d’action, les dévouemens privés comme la puissance de l’État. À cette heure, la population des enfans assistés dépasse le chiffre de 130 000. La ville de Paris, à elle seule, dépense treize millions cinq cent mille francs pour 55 000 enfans. A côté de la bienfaisance officielle, la générosité privée a organisé une foule d’œuvres qui commencent avec les pouponnières par les soins du premier âge et se divisent ensuite la tâche de parer à toutes les variétés du mal. Œuvres confessionnelles, catholiques, protestantes et juives, œuvres laïques, elles donnent à la fois le secours matériel et l’assistance morale : elles se chargent de recueillir l’abandonné, d’élever l’orphelin, de garder l’enfant aux heures où le travail des parens laisse la maison vide, de prendre soin de lui quand le chômage les expose à errer de garni en garni. C’est un labeur immense pour lequel on ne ménage ni le temps, ni l’argent, ni la peine, et qui toutefois s’augmente chaque jour, en présence de nécessités qui ne cessent de croître.

Depuis une vingtaine d’années, la bienfaisance, toujours plus ingénieuse et plus avertie, s’est avisée qu’elle avait envers l’enfant, outre le devoir de le protéger contre l’abandon, celui de le secourir, lorsqu’il était devenu criminel. Jurisconsultes criminalistes, magistrats, avocats, hommes d’œuvres, tous se sont émus. Il va de soi que l’enfant criminel n’oblige pas la société comme l’adulte criminel à se défendre contre lui : il n’est pas question de lui faire expier, mais de le préserver, de le corriger, de le guérir. Pour ce résultat, une tâche considérable s’est découverte et qui passait en difficulté, comme elle valait en utilité sociale, tout ce qui avait été fait par ailleurs pour le bien de