Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne pouvait être plus favorable que celle des aïeuls maternels, et elle devait nécessairement triompher de la résistance du père. La nouveauté, la hardiesse fut d’oser dire : la puissance paternelle, d’ordre public, reste soumise dans son exercice au contrôle de la justice. Il n’est pas contestable que la satisfaction donnée au désir des ascendans marque un progrès d’équité et d’humanité : mais ce progrès ne pouvait s’accomplir et ne s’accomplit qu’aux dépens de la puissance paternelle. Et il est curieux que cette première atteinte lui ait été portée dans la famille, par la famille même : il est remarquable qu’une raison d’ordre sentimental, l’affection réciproque de l’aïeul et de l’enfant, ait paru plus forte qu’un principe d’ordre public.

Au jour de cet arrêt qui oriente la jurisprudence vers un but nouveau, il s’est écoulé plus de cinquante ans depuis le Code civil. D’autres mouvemens se préparent, se précipitent, qui vont modifier plus gravement la puissance paternelle. En même temps que l’opinion publique devient pitoyable au sort des enfans, il se trouve en effet qu’un certain nombre de parens sont moins aptes et même ne sont plus aptes du tout à leur rôle. C’est le résultat d’une évolution morale et économique qui se marque surtout par les progrès de l’individualisme et le développement rapide de la vie industrielle.

Il est superflu sans doute de rappeler que, célébré par les romantiques, l’individualisme, non pas de l’action, mais de l’amour-propre et du sentiment, devait aboutir et aboutit au rétablissement du divorce : chacun peut exercer contre les barrières vermoulues du devoir des droits sacrés qui sont ceux de la passion, telle est la thèse romantique de George Sand, de Dumas, de tant d’autres : elle agit souverainement sur les êtres jeunes, avides de vivre, et l’impatience qu’elle excite s’en prend à la contrainte du mariage qu’elle Unit par briser.. Ainsi c’est au moment où l’opinion veut pour l’enfant plus d’égards, de soins et de joies, qu’il se trouve par la discussion ou la ruine de la famille, isolé, ballotté, perdu. Le mari et la femme qui ne s’entendent plus ont vite fait de rompre le lien conjugal ; mais l’enfant qu’ils ont mis au monde ? Son destin est misérable. Qu’on se batte à qui l’aura ou qu’on l’oublie à cause de la famille nouvelle qu’on va créer, il est dans les deux cas pareillement privé de l’existence normale et nécessaire. Aussi est-ce à lui que va toute la sollicitude de la justice, quand, après le divorce, il