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Sur ces entrefaites, une épidémie de peste, qui éclata au début de la morte-saison et qui terrifia la population, fut la cause occasionnelle d’une violente réaction : les valeurs baissèrent aussi rapidement qu’elles avaient monté.

Ce petit accès de fièvre spéculative, brusquement arrêté par un accident fortuit, ne pouvait être bien sérieux. Les quelques personnes qui en avaient été agitées opéraient seulement au comptant, et les sociétés locales dont les titres les avaient attirées ne dépassaient guère la douzaine. Pourtant, il existait déjà des spéculateurs dont la passion trouvait à se satisfaire, à la Bourse aux marchandises d’Alexandrie, sur les variations des cours du coton. Ces spéculateurs appartenaient à toutes les classes de la société, depuis le grand propriétaire jusqu’au petit employé et formaient comme un corps de joueurs exercés, aptes à servir de recruteurs et d’instructeurs. Corps d’ailleurs très restreint. Les marchés de coton sont organisés sur des bases assez compliquées ; ils se font à longs termes et comportent plusieurs liquidations entre la conclusion du contrat et le règlement final ; leur résultat est déterminé par des circonstances, — état de la récolte, avenir de la production, etc., — que seuls les professionnels ont la prétention de connaître. Les opérations sur les titres sont plus brèves et plus simples. Leur issue dépend de faits qui varient suivant l’entreprise spéciale à laquelle on s’intéresse : chacun peut se flatter de savoir la raison de la hausse ou de la baisse future de tels titres dont il croit posséder une connaissance spéciale. Ne suffit-il pas pour cela d’un « bon tuyau ? » C’est toujours par elles que le grand public est séduit.

Cependant la prospérité de l’Egypte ne cessait de se développer. Elle se manifestait par l’extension des cultures et leur plus grand rendement, par la progression des chiffres du commerce extérieur, par les plus-values budgétaires, par les bénéfices, chaque année accrus, des sociétés existantes. Tout semblait indiquer que cette prospérité n’était nullement momentanée, mais bien le premier effet de causes profondes et permanentes : perfectionnement du système d’irrigation, accroissement de la population, confiance et sécurité inspirées par l’administration nouvelle. Les esprits les plus calmes et les plus timorés n’osaient assigner aucune limite au développement de la fortune de l’Egypte, ni au succès des entreprises fondées pour mettre en œuvre ses richesses naturelles.