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Le capitaine de Larre transmit cette lettre, en l’agrémentant de plaisanteries sur le prisonnier de Valence, « ce général manqué, » au colonel de La Morlière, qui la transmit avec d’autres plaisanteries au ministre de la Guerre, qui mit la lettre au panier.

« Les vieux généraux ont quitté, écrit le marquis d’Argenson ; les jeunes se poudrent ; ce sont des femmes auxquelles il ne manque que des cornettes, » — le chemin de Rosbach.

Les seules visites dont Mandrin se montrât impatient étaient celles des prêtres. Levet de Malaval lui avait tout d’abord envoyé comme confesseur un gros dominicain. Le contrebandier le reçut en lui jetant un verre de vin à la figure. Puis, quand il revit le juge :

— Cet homme, qui s’est présenté de votre part, était bien gras pour me parler de pénitence.

D’autre part, il agréait les visites de quelques « dames de charité. » Ames pieuses qui s’étaient donné pour mission la conversion des pécheurs. L’une d’elles lui parlait du ciel. Mandrin l’interrompit :

— Une seule chose m’importe, madame, c’est de savoir combien il y a de logis (auberges) d’ici au paradis, car il ne me reste que dix livres à dépenser en route.

Et comme il remarqua que cette plaisanterie trop brusque avait fait de la peine, il offrit des excuses. La « dame de charité » profita de l’avantage qu’elle avait dans l’instant, pour parler avec plus de force. Elle nommait au bandit le Père Gasparini, jésuite italien, « homme de mérite, de la maison (collège) de Tournon. » Mandrin céda et vit le Père Gasparini le 24 mai. Il aurait voulu remettre sa confession au lendemain ; mais le jésuite savait que le prisonnier devait être exécuté le 26, et il l’engagea à commencer sa confession tout aussitôt.

Cette confession dura deux jours, les 24 et 25 mai. Puis il rédigea son testament. Il couvrit de son écriture quatre pages qu’il remit au Père Gasparini. Sa sœur Marianne était instituée légatrice universelle de tous les biens qu’il possédait en Savoie, des sommes qu’il avait confiées aux marquis de Saint-Séverin et de Chaumont. Quelques hôteliers et quelques curés savoyards étaient dépositaires de sommes moins importantes. Quant aux biens qu’il pouvait avoir en France, ils devaient être confisqués par le jugement à intervenir.