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change. J’ai mis tout à fait en déroute mon concurrent, M. Droz, par les journaux et le cri public ; ils m’en ont déterré deux autres que je crois également vaincus d’avance ; mais ce soir ils m’en déterrent encore de nouveaux : ils ont eu un dîner entre eux dont je viens d’avoir les détails, où ils ont décidément déclaré qu’ils ne voulaient pas de moi. M. de Lacretelle et sa femme sont ceux qui me nuisent avec la persévérance la plus invincible : sans lui, les autres eussent été en partie ramenés, en partie défaits. J’ai pour moi tous les gens tranquilles et impartiaux, mais les intrigans s’obstinent contre. Il n’y faut plus penser ; il me faut un peu de charité chrétienne pour ne pas me venger sur ce Lacretelle et Cie.

Adieu, mon cher ange, qu’il me tarde de l’aller rejoindre et de secouer la poussière de cet infâme pays de sottise, et d’intrigues, et d’envie !

A demain.

Du 15 à 4 heures. — Les chances varient encore, la cabale des bonnes lettres est furieuse et bien liée, mais les autres ne sont pas perdus encore pour moi. J’ai gagné 3 voix libérales ce matin contre Guiraud. J’ai été chez MM. Pasquier, Mounier et autres, qui me servent en dehors ; M. de Talleyrand est furieux contre mes ennemis. On ne peut savoir ce que tout cela deviendra au dernier moment. J’irai avec vigueur jusqu’au bout ! Je reçois à l’instant une lettre où l’on me dit que Guiraud va être invité par ses amis à se retirer devant moi, car les autres l’ont lancé et en lanceront un autre à sa place. Un parle même de Delavigne ; alors je nie retirerai moi-même, et le diable ne m’y reprendra plus. Adieu, je te quitte pour aller dîner chez les Pernetty, où l’on nie sert très activement, les Montcalm et Montmorency aussi.

Mme de Raigecourt me mande qu’elle sera ici dans 8 jours, l’élection est le 2 décembre ou le 1er.


19[1].

Tout de même, cher ange, les espérances sont belles et les craintes grandes. Mais tout est soulevé dans la société pour moi et dans les journaux : les libraires font queue pour que je leur vende, et tout me sert même à mon insu. Hier j’ai diné chez Mme de Saint-Aulaire. M. Decazes, M. de Staël, M. Guizot, M. de Saint-Aulaire, se sont partagé les académiciens de leur connaissance pour les séduire s’il y a moyen. Demain, je dîne encore chez Mlle de la Trémouille. Mais, malgré ce concours, on dit et l’on soutient que j’échouerai. Adieu, je t’embrasse un million de fois.


Lundi 29.

Cher amour, mon affaire va moins bien. Les lâches m’abandonnent, mais je ne renonce à rien qu’après avoir combattu. J’espère que jeudi on finira. Cependant, ce n’est pas sûr, ils y mettent de l’astuce et une lenteur qui m’inquiète, mais au plus dans huit jours.

Adieu encore.

  1. Mme de Lamartine (Alphonse), à Mâcon.